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existent encore dans le pays. Lors des grandes chaleurs de l’été, la terre se dessèche et se fendille à la superficie, sans perdre sa fraîcheur intérieure, et quand, par extraordinaire, survient une longue série de pluies qui précipitent beaucoup d’eau, les travailleurs et les bêtes de labour ne peuvent plus pénétrer dans les champs sans risquer de s’enlizer dans une bourbe fangeuse qui conserve sa mollesse durant des semaines entières. Aussi, quoique les paysans, en présence d’un ciel trop peu nuageux, invoquent de tous leurs vœux averses ou orages, ils n’en conviennent pas moins que, somme toute, les années sèches sont les plus favorables à l’agriculture.

Si on examine la déclivité du versant de la Trévaresse qui fait face à la Durance, les traces d’érosion des eaux pluviales se manifestent au premier coup d’œil. Les parties dénudées des flancs de la colline sont sillonnées de rigoles qui représentent, d’une manière concrète et extrêmement nette, les hachures des topographes ou « lignes de plus grande pente. » Quand un peu de végétation protège la surface argileuse de la croupe, les effets de l’entraînement s’atténuent et les arbres des lignes de drainage croissent en vigueur. Vers la limite supérieure de la plaine, ces rigoles, en se réunissant, forment une succession de ravins, d’autant plus creux que leur pente est moindre, et dont une riche et ombreuse végétation tapisse l’étroit thalweg. En continuant à descendre, le promeneur finit souvent par aboutir à un « vabre » ou petit torrent dont les eaux assez limpides coulent sans interruption plusieurs mois de l’année. De loin on ne distingue qu’un ruban de verdure qui ondule à travers les bas coteaux et la plaine ; de près, on constate que de nombreux végétaux protégés par l’ombre des parois contre les rayons brûlans du soleil hument avec avidité les moindres suintemens aqueux. Un peu plus bas, le courant se régularise et grossit, mais aux dépens de sa limpidité que troublent les écoulemens du canal. Dans la région irrigable, les arbres disparaissent, pourchassés par l’avarice des villageois. À peine quelques peupliers égaient la stérilité des berges artificielles et peu saillantes ; puis des roseaux garnissent seuls un lit élargi et désormais réduit à l’humble rôle d’exutoire vers la Durance, en cas d’orage trop violent.

Par raison d’économie, la partie fertile et humide de la plaine est peu boisée ; on y admet toutefois le peuplier à cause de sa valeur industrielle, l’amandier comme arbre de rapport et le