Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/419

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

somptueux paysages de Gainsborough, mais plutôt aux maigres croquis de M. Raffaelli. Et pourtant, dans cet hôpital au jour blanc et cru, pendant que les malades se tassaient sur des bancs, attendant la visite du médecin et des infirmiers, tendant leurs membres blessés, découvrant leurs plaies, contant les symptômes de leur mal, un groupe vint à passer où Reynolds aurait pu trouver un modèle pour ses têtes d’anges. C’était un petit garçon qu’on emportait roulé dans une couverture, convalescent, heureux de quitter l’hôpital, montrant une mine éveillée, guérie, où l’on voyait déjà toutes les couleurs de la santé reconquise. Il passait vite et s’en allait sous les jeunes marronniers aux fouilles nouvelles, souriant et babillant, tandis que le soleil de mai criblait le groupe de ses points d’or...

Ce sourire obtenu par la bienfaisance sur ce petit visage et sur des milliers d’autres semblables est, tout bien considéré, quelque chose d’aussi beau que ce que les peintres ont fixé sur leurs toiles. C’est le chef-d’œuvre par excellence et il est à la portée de tous. Car nous ne pouvons pas, même les plus habiles d’entre nous, peindre des portraits d’enfans et de femmes comme Hoppner et Greuze, mais tous nous pouvons rendre les couleurs à des visages pâlis par les privations et la gaieté à des âmes déshabituées de l’espérance. La misère, terrible pour tous, est surtout affreuse et imméritée quand elle frappe les femmes et les enfans. Il faudrait que cette vision de belles images se prolongeât pour eux en de belles réalités. Il faudrait que les sourires des femmes et des enfans peints, que la Société philanthropique a exposés, se continuât sur les lèvres des femmes et des enfans vivans qu’elle veut secourir; et que les plus petits, redevenus joyeux et insoucians, puissent danser, malgré toutes les tristesses et tous les deuils de l’heure présente, au refrain que fredonnaient les enfans du temps jadis :


Qu’est-c’qui passe ici si tard?
Compagnons de la Marjolaine,
Qu’est-c’qui passe ici si tard,
Dessus l’quai?


ROBERT DE LA SIZERANNE.