inconsciemment, au précepte de Léonard. Les poses sont plus modestes, plus naturelles, plus réservées. Regardez l’admirable portrait, en petit, de Mme Davauçay, d’Ingres. Les mains ne s’occupent plus à des besognes de toilette ou d’ostentation : elles se rejoignent par le bout des doigts, et les bras mêmes se croisent de nouveau. Quelques têtes doucement s’inclinent, selon le désir du Vinci. Quelque chose de grave est revenu, comme au temps de Léonard, approfondir les regards de nos contemporaines. Il semble qu’il y ait dans tous leurs yeux une appréhension de ce que va être le soir — le grand soir — du siècle où elles sont nées. A sonder quelques-uns de ces regards infiniment doux et tristes, on dirait que les yeux physiques portent déjà le reflet de douleurs avenir que l’âme ignore encore, comme un miroir qui reflète, qui renseigne, qui avertit et qui, lui, ne sait rien...
Les enfans, eux, savent peut-être bien des choses, et l’on dirait parfois, à leurs premières questions, et à leurs premiers gestes qu’ils sortent d’un long rêve, et cherchent moins à apprendre qu’à se souvenir... Mais ici nous trouvons peu de portraits de cette toute première enfance... Jadis on ne peignait guère ces tout petits êtres qu’à titre d’Enfans Jésus bénissant des évêques ou bien d’Innocens massacrés par des lansquenets. Quand on commença à faire leur portrait sous leurs noms, et pour leur propre gloire ou celle de leur famille, on leur enjoignit de se tenir bien. Au XVIIe siècle, nous les voyons plantés en des attitudes, toujours dignes, encore que gracieuses. L’infante de Velasquez, sous sa coiffure somptueuse et ridicule semée de pampilles, comme une éponge piquée de papillons, et fardée de rouge à la mode d’Espagne, est roide et morne. On a dit à cette autre petite fille peinte par Cuyp de mettre une main sur sa hanche et de tenir de l’autre un éventail : elle a obéi. Van Dyck a laissé la fille de la marquise Spinola faire un léger mouvement de la main, comme pour s’accrocher à la somptueuse robe cramoisie de sa mère, mais elle reste digne. Son petit Guillaume d’Orange montre quelque chose d’invisible, à un chien qui regarde de l’autre côté : au vrai, il n’a rien à montrer que sa main. Seuls les bambins de Frans Hals, embroussaillés de cheveux filasse, barbouillés, rubiconds de vie et de joie, rient à gorge déployée, sur la cimaise, en tenant