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FRANÇOIS VIÈTE.

« Ainsi la dame de Soubise demeura à sa maison jusqu’au mariage de Mme Renée avec le duc de Ferrare, car lors il se trouva de certaines affaires qu’elle seule entendait, et à quoi on ne pouvait donner ordre sans savoir quelques particularités dont la reine, sa maîtresse, ne s’était fiée qu’en elle. Partant, on fut contraint de la mander, joint que Mme Renée, qui assez mal volontiers consentait à ce mariage, dit qu’elle ne partirait pas de France qu’on ne lui rendît Mme de Soubise, ce que, pour la contenter, on lui accorda. »

Mme de Soubise demeura à Ferrare neuf ou dix ans. Pour revenir au sieur de Soubise, « il fréquenta fort en sa jeunesse le pays d’Italie, tant à l’occasion de sa mère et de ses sœurs qui y demeurèrent longtemps, que pour une infinité de vertus et d’honnêtetés qui s’y peuvent apprendre, qui a fait que depuis il y a fait plusieurs voyages, et toute sa vie a aimé ce pays sur tous autres. Toutefois, il fut contraint de s’en absenter pour une telle occasion. Il n’avait pas plus de dix-sept ans, qu’il devint amoureux d’une dame de laquelle un marquis dudit pays l’était aussi, tellement qu’à toutes triomphes, mascarades, tournois ou autres combats, ils faisaient toujours à l’envy l’un de l’autre, de quoi le marquis se fâchant, soit qu’il vît qu’il fût plus favorisé de la dame que lui, ou autrement, un jour d’un tournoi qu’on rompait des lances, lui vint demander s’il voulait faire à bon escient, à quoi ledit sieur de Soubise ne fit refus, et étant tous deux sortis des lices, rompant leur bois l’un contre l’autre, tout armés qu’ils étaient, celui du sieur de Soubise perça le marquis de part en part, qui soudain tomba mort, qui fit que le sieur de Soubise, tout à cheval qu’il était, partit incontinent et retourna en France, car le marquis était de grande maison et les parens en firent de grandes poursuites. »

Les récits de Viète sont, on le voit, écrits dans une langue vive et claire. Citons encore l’une des premières aventures du sieur de Soubise.

« La première guerre où il se trouva fut celle durant laquelle les Français eurent du pire, à une rencontre où Mgr de Sansac fut pris comme ils voulaient ravitailler Thérouanne (1544). Se trouvant à la susdite rencontre, il fut pris prisonnier, et pour sauver sa rançon et sortir avec moins de difficulté, il ne voulut pas décliner qui il était, et fit accroire qu’il se nommait Ambleville, qui fut le premier nom qui lui vint en la bouche et lequel il con-