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Dès lors, aucune confusion ne devrait être possible entre la république telle qu’aux yeux du Saint-Père elle pourrait et devrait être, et la république telle qu’elle est et se comporte aujourd’hui. D’où vient donc pourtant que cette distinction si naturelle — et qu’on peut faire également dans tout état politique — entre une forme constitutionnelle et l’exécution qu’on lui donne, parfaitement claire pour ceux qui regardent et qui réfléchissent, ne l’est pas en fait restée également pour un public composé de juges superficiels? D’où vient que, de ces deux faces des instructions pontificales, il y en a une qui a été mise en pleine lumière, tandis que l’autre est plutôt restée dans l’ombre?

Plusieurs causes différentes peuvent expliquer cette méprise. D’abord le conseil donné de si haut, en faveur des institutions républicaines, a été pour ceux qui étaient dévoués à cette forme de gouvernement depuis leur enfance, un sujet de joie inespérée : tous les journaux de la presse républicaine, de beaucoup les plus nombreux et les plus bruyans de tous les organes de publicité, Font célébrée à grand bruit, en ayant soin de faire silence sur les restrictions qui devaient en définir la portée. Il y a même eu, j’en suis sûr, des républicains qui ont cru sincèrement que ces réserves faites sur des points qui ne leur étaient pas très familiers étaient un accessoire insignifiant, comparé à l’importance du principal, des formules de style qu’il était permis de négliger, et que, sans avoir besoin d’en tenir compte, ils pouvaient se croire transformés en serviteurs fidèles et même préférés du Pape.

On peut citer plus d’une circulaire électorale où le candidat, sans partager peut-être lui-même cette illusion, cherchait et a pu réussir à la propager parmi ses électeurs. Et puis, surtout depuis que le suffrage universel a si largement étendu le champ où se débattent les intérêts politiques de tout ordre, il ne faut jamais être surpris de l’empire qu’exercent sur les intelligences simples qui en forment la majorité l’habitude, l’imagination et ce phénomène intellectuel bien connu qu’on appelle l’association des idées Une République chrétienne, ou du moins sincèrement respectueuse de la religion et appréciant les services qu’elle rend à la société, assurément cela peut être, et on ne voit aucune difficulté logique à l’admettre. Mais, en fait, ce n’est pas celle-là qu’on connaît, ni que le nom de république rappelle. Celle à laquelle depuis vingt ans nous avons eu affaire, c’est celle qui se plaît à distinguer la religion du cléricalisme et à justifier ainsi toutes les mesures que