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qu’elle ne peut consacrer dogmatiquement et poursuivre d’une hostilité constante, soit ouverte, soit même sourde ou indirecte, tout état social où ce qui serait pour elle l’exemplaire d’une société accomplie n’est pas réalisé? À ce compte, il serait difficile de dire où, quand, avec quelle société, elle a jamais pu se trouver en accord complet, car je n’en connais aucune dans la suite des âges où cet ensemble de conditions ait été pleinement rempli. Rien dans le cours de son histoire ne permet de lui prêter cette rigueur intransigeante. On n’y voit, au contraire, qu’une suite de ménagemens observés, par une merveille de souplesse et d’intelligence, avec les nécessités des temps ou leur convenance, les coutumes, les préférences et même les préjugés des populations. C’est à ce prix qu’elle a pu traverser les siècles et s’étendre sur le monde. Sans abaisser jamais le niveau de son idéal, elle en a toujours proportionné les exigences à ce qu’il était possible d’espérer et même à ce qu’il serait utile d’obtenir. Sur deux points seulement elle est intraitable : la liberté de la prédication de l’Évangile et celle de la conscience des fidèles. Que cette double sécurité lui soit garantie (et rien dans notre constitution sociale loyalement appliquée n’y fait obstacle), et la France moderne n’a rien à craindre de ses prétentions. C’est par ces explications sincères et sensées, par des distinctions très simples et que chacun de nous fait tous les jours dans sa conduite publique et privée entre le bien relatif qui le satisfait et le bien absolu qu’il ne croit ni possible d’obtenir ni nécessaire de rechercher, que le Père Maumus se croit en droit d’affirmer que la paix sera faite entre la France moderne et l’Église, quand il plaira à la France de l’accepter.

C’est la conclusion qu’il place sous le haut patronage des paroles mêmes de Léon XIII, citées à la première page de son travail. « Les choses humaines, dit le sage Pontife, changent, mais la vertu bienfaisante du magistère de l’Eglise vient d’en haut, et demeure toujours la même. Établi pour durer autant que les siècles, il suit avec une vigilance pleine de douceur la marche de l’humanité, et ne refuse pas, comme le prétendent faussement ses détracteurs, de s’accommoder dans la mesure du possible aux besoins raisonnables du temps. »

Ce sera, en effet, l’honneur du pontificat de Léon XIII, d’avoir ouvert toutes les voies à cette pacification si désirable, dont l’effet se ferait sentir au delà même des limites de la France. Non pas, sans