Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’eut point à le décliner. La règle adoptée, au contraire, fut que chacun garderait ses vues et ses opinions personnelles sur des points de pure politique où l’Église n’a jamais rien décidé, sous la condition seulement de les subordonner à l’intérêt supérieur de la foi commune. L’union ne put subsister que grâce à ce respect mutuel. Toute exigence d’une autre nature l’aurait, par le fait même, à l’instant dissoute. Pour bien mettre en lumière cet esprit de ménagement réciproque, M. de Montalembert, que son serment de pair de France attachait loyalement à l’établissement de 1830, en fondant un comité central qu’il présida, appela à siéger à côté de lui un ancien ministre de Charles X resté dévoué à ce souvenir. Il avait de plus pour aide de camp un soldat qui n’allait pas tarder à devenir général, et dont les sentimens héréditaires n’étaient un mystère pour personne : on aurait certainement beaucoup surpris M. de Falloux, tel que depuis lors je l’ai connu, si on lui avait dit qu’il avait cessé ce jour-là plus qu’à aucun autre de porter hautement cette qualité de royaliste de naissance qu’il a tenu à insérer en tête de son testament politique. Enfin, si j’ai bonne mémoire, ce fut au moment le plus vif et même le plus aigu de la polémique élevée sur la liberté de l’enseignement que M. le comte de Chambord reçut solennellement à Londres la visite d’un grand nombre de ses partisans. Cette revue du parti légitimiste fit grand bruit et donna lieu à un vote fameux de la Chambre des députés. Je n’ai jamais entendu dire qu’il ait été question de rayer les pèlerins de Belgrave Square des comités de défense religieuse où ils étaient inscrits.

Mais, s’il faut se garder de tirer une conséquence exagérée de l’usage qui fut fait alors du texte de la charte de 1830, ce recours adressé par l’unanimité des catholiques à une liberté constitutionnelle comportait pourtant et reçut surtout dans la discussion qui suivit une extension d’une autre nature et d’une plus grande importance. La promesse de la liberté d’enseignement faite par la charte ne distinguait pas entre les Français qui seraient appelés à en profiter. C’était à leur titre de Français et à nul autre que les catholiques pouvaient s’en prévaloir. Il leur fallait donc écarter toute idée de tendre, même par une voie indirecte, à restituer à leur Eglise le privilège de l’autorité enseignante : il fallait se défendre de tout espoir de lui transporter le monopole qu’on voulait enlever à l’État. C’est à cette condition-là seulement qu’ils pouvaient élever la voix et se faire écouter. Aussi leurs protestations