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du réseau de servitudes mesquines, legs suranné d’un autre âge qui entravaient sa légitime expansion. Dans cette courageuse manœuvre, de paix tout ensemble et de guerre, Lamennais fut bientôt secondé par deux éloquens auxiliaires qui ne devaient pas tarder à égaler sa renommée, Lacordaire et Montalembert : et ainsi fut inaugurée cette grande campagne intellectuelle et morale qui a été poursuivie pendant plus d’un demi-siècle à travers beaucoup de vicissitudes, sans jamais perdre de vue le double caractère qui lui fut imprimé ce jour-là par cette téméraire avant-garde.

Sur quel écueil vint échouer cette première tentative, à laquelle le Père Maumus, malgré de justes réserves, ne fait pas difficulté d’attribuer le mérite d’avoir « donné aux catholiques une généreuse impulsion et de leur avoir (ce sont ses propres expressions) fait entrevoir par un regard prophétique l’aurore des temps nouveaux » ? C’est une histoire dont les incidens dramatiques ont été racontés à plusieurs reprises par les acteurs eux-mêmes d’une façon trop saisissante pour qu’il soit nécessaire de la rappeler. Il suffit de dire que le tort principal dont cet échec fut la conséquence, ce fut un défaut égal de mesure dans la recherche de l’un et l’autre but que ces hardis champions s’étaient proposés. En adhérant avec une loyale franchise aux principes qui servent de base à notre société présente, ils ne se bornaient pas à les accepter comme le seul régime convenable à la France et à notre âge, ils allaient jusqu’à leur reconnaître la portée absolue et impérative de véritables axiomes philosophiques partout et nécessairement applicables, ce qui en faisait par là même le désaveu et la condamnation de toute la conduite suivie et même dictée par l’Eglise dans d’autres temps et d’autres pays. En confondant dans une même réprobation le Concordat et les supplémens qui y avaient été annexés (sans en être nullement la conséquence), ils couraient risque de livrer, par une rupture précipitée, tout l’état religieux de populations chrétiennes, au milieu de la tourmente révolutionnaire, à un formidable inconnu. De plus, dans l’étendue comme dans l’usage des libertés qu’ils réclamaient, ils ne se montraient disposés à reconnaître aucune limite qui pût les préserver et les distinguer de la licence. L’âpre polémique de leur presse n’observait aucun ménagement ni pour les idées, ni pour les personnes; nul égard, en particulier, pour les scrupules de l’autorité épiscopale, qui, surprise de l’éclosion de ces nouveautés