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qu’elle fut sortie des orages qui avaient ensanglanté son berceau, nous savons aujourd’hui, par des révélations récentes, que le vénérable Pie VI tenta d’entrer en négociation avec elle, et que ce n’est nullement parce qu’il refusait de la reconnaître qu’elle préféra l’envoyer mourir, détrôné et captif, dans une cité française. Mais la forme républicaine subsistait encore quand le concordat de 1801 fut conclu, et si des dissentimens entre les deux signataires de cet acte fameux ne tardèrent pas à en rendre l’application difficile, ce fut avec Napoléon, devenu et sacré empereur, et non avec Bonaparte, premier consul de la République, que Pie VII eut de graves démêlés à soutenir. Quarante ans après, quand la royauté eut encore une fois succombé, une constitution, votée par une assemblée républicaine, fut promulguée avec éclat, après un service divin solennellement célébré sur un autel érigé en pleine place de la Concorde, et, du fond de l’exil où une révolution l’avait relégué. Pie IX lui envoya toutes ses bénédictions. Il n’y a donc absolument rien de nouveau, au point de vue de la théorie et du dogme, dans l’accueil fait par Léon XIII à la république actuelle : et ce n’est pas cet incident particulier qui caractérise la pensée principale et dominante de son pontificat.

A la vérité, pour la première fois dans le cours de nos révolutions successives, des conseils ont été donnés aux catholiques de France en particulier, pour les engager à adhérer à une constitution politique. Mais comme ces recommandations, faites en faveur de la République, sont tirées uniquement du fait d’une légalité existante et d’une possession prolongée, — comme à ce titre la royauté en aurait pu être l’objet hier, quand elle existait, et pourrait l’être demain, si elle était rétablie, — de telles instructions, quelle que soit leur haute origine, ne peuvent donner lieu qu’à des questions de conduite et de conscience et n’affectent en rien la question de principe bien plus générale, dont il importe autant de ne pas dénaturer le caractère que de ne pas éluder la difficulté.

C’est à celle-là donc qu’il faut aller directement, en la réduisant à des termes qui peuvent être à la fois les plus élevés et les plus simples. L’Eglise catholique, dans l’ancienne société française, exerçait une autorité privilégiée : elle était la religion de l’État, et, comme telle, tous les pouvoirs publics lui devaient hommage. Tout autre culte que le sien était interdit ou ne jouissait