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L’EGLISE
ET LA FRANCE MODERNE

Il y a des questions qui ont l’air destinées à être toujours pendantes, toujours en débat et jamais définitivement résolues. De ce nombre assurément est celle-ci, qui, par son importance et son intérêt, est sans égale : A quelle condition et dans quelle mesure l’Église catholique, qui a été dominante en France depuis l’origine de notre histoire nationale a-t-elle pu accepter, pour elle-même et pour les fidèles dont elle dirige la foi et éclaire la conscience, les principes sur lesquels, depuis la grande Révolution de 1789, la société française est constituée ? On ferait des volumes et presque une bibliothèque des dissertations et des déclamations de toute nature échangées sur ce thème depuis tantôt un siècle. La place la plus étendue serait occupée sans doute par les écrits des adversaires de l’Eglise, établissant au moyen d’argumens sans cesse renouvelés, au nom de la science, du progrès et de l’indépendance de l’esprit humain, qu’entre l’Eglise et la Révolution l’hostilité est irréconciliable, et que la France moderne doit choisir entre elles en ne cessant pas de se mettre en garde contre un retour de l’ancien régime clérical dont elle est toujours menacée. Mais le nombre ne serait pas non plus médiocre ni méprisable de ceux qui font tête à l’attaque avec les armes de la raison et de l’éloquence. Seulement ils ont eu assez souvent le malheur de ne pas s’entendre entre eux et, unis dans la profession de la même foi, de se diviser sur la manière de la défendre. Il y a eu les champions de la guerre à outrance, relevant le gant, acceptant fièrement le défi de l’inimitié qu’on leur déclarait, et arborant sans