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produit, à d’autres époques, des conséquences analogues à celles qu’elle poursuit encore aujourd’hui. Elle est dénuée de toute imagination romantique, de tout sentimentalisme, peut-être même faut-il dire de tout sentiment; mais qu’elle soit singulièrement puissante et efficace, moins que personne nous ne pouvons le contester.

Sans remonter plus haut dans l’histoire de l’Allemagne, ou plutôt de la Prusse, il n’est pas aujourd’hui hors de propos de rappeler les débuts politiques de M. de Bismarck, et comment, à peine arrivé au pouvoir, il s’est assuré les alliances solides, grâce auxquelles il a par la suite accompli ses grandes destinées. Les historiens qui ont raconté cette période de sa vie disent que, très résolu à faire quelque chose, il ne savait pas encore exactement ce qu’il ferait, ou du moins comment il s’y prendrait. C’est alors qu’éclata l’insurrection de Pologne. Elle a été marquée, on s’en souvient, par des incidens terribles, sur lesquels, pour toutes sortes de motifs, nous nous garderons d’insister aujourd’hui. Mais l’impression produite a été profonde dans l’Europe occidentale, et l’Angleterre a pris aussitôt l’initiative d’une politique de remontrances à laquelle elle a eu l’adresse de nous associer, jusqu’au moment où, le vent ayant tourné, c’est-à-dire la question des duchés étant venue à se poser, elle y a brusquement renoncé, sans se préoccuper autrement de la manière dont la France s’en tirerait à son tour. La France avait hésité à y entrer, et cela pour deux motifs : le premier est qu’elle avait le sentiment de son impuissance à secourir les Polonais, et que, dès lors, elle craignait de leur donner un encouragement qui tournerait pour eux en déception cruelle; le second est que, presque immédiatement après la guerre de Crimée et le traité de Paris, elle avait noué avec la Russie des rapports devenus déjà très intimes et qui semblaient de nature à amener plus tard une alliance formelle. Malheureusement, le second Empire ne s’est pas piqué de mettre dans sa politique extérieure plus de fixité que le premier, et on sait ce qui en est résulté pour lui et pour nous. Il a esquissé plusieurs alliances et n’en a fixé aucune. Le mouvement de l’opinion était d’ailleurs si vif, — il faut le dire à la décharge de l’empereur Napoléon III et de ses conseillers, — qu’il était difficile de ne pas y céder. On y céda en effet, et tout l’effort de cette politique de rapprochement avec Saint-Pétersbourg, à laquelle on avait sacrifié à peu près complètement les résultats de la guerre de Crimée, fut perdu à son tour et sans retour. Le fatal génie de M. de Bismarck y veillait. On se rappelle avec quel empressement démonstratif il mit tous ses services à la disposition de son voisin de l’Est, lui offrant une convention