Par bonheur, le deuxième acte est fort beau. C’est que la personne de Jésus en est absente. Les « embellissemens » ajoutés aux discours du Christ ne choquent plus, puisque ces discours sont, ici, rapportés et commentés par une femme. Et je sens que je pourrais aimer tout à fait ce tableau-là, s’il était en mon pouvoir d’oublier le premier tableau et de ne pas crier de douleur en me le rappelant.
C’est la place du marché, aux portes de Sichem. Cela grouille bien. Soleil cru, haillons éclatans, odeurs d’ail, de poisson, de jasmin et de miel… Photine accourt, illuminée, criant ce qu’elle a vu et entendu. Et son enthousiasme, sa prédication ardente, ses supplications, ses insistances acharnées, que les injures et les rebuffades ne font qu’échauffer ; et les remous de la foule autour d’elle, et les rires et l’incrédulité des gens, puis leurs hésitations, et les premières adhésions qui entraînent les autres, et la contagion de foi qui s’empare de toute la foule…, cela est excellemment distribué, aménagé, gradué ; et tout le tableau est comme emporté d’un large mouvement ascensionnel ; mouvement qu’arrête un instant le centurion sceptique et dédaigneux, proche parent du « procurateur romain » d’Anatole France ; mais qui repart ensuite plus irrésistible et pousse la ville entière, balançant des palmes, Photine en tête, vers le puits de Jacob où le Christ est assis.
Je n’exprimerai qu’un seul regret « .Cet évangile » samaritain a quelque chose de provençal et même de napolitain. Les vers, colorés, souples, jolis même dans leurs négligences, — trop jolis, — sentent en maint passage l’improvisateur brillant, fils des pays du soleil. C’est l’Evangile mis en vers par un poète de cours d’amour, par un troubadour du temps de la reine Jeanne. Les images sont nombreuses, quelquefois neuves, mais généralement toutes petites. Et, par exemple, nous connaissons le mot de Jésus : « Je ne briserai pas le roseau penchant et je n’éteindrai pas la lampe qui fume encore. « Cela suffit, à ce qu’il semble, et ces deux brèves images sont assez expressives. M. Rostand les enjolive en les détaillant :
Si le roseau froissé souffre d’une cassure,
Il n’achèvera pas le roseau d’un coup sec ;
Si la lampe crépite en noircissant son bec,
Il ne soufflera pas brusquement sur la lampe ;
Mais, pour que le roseau balance encor sa hampe,
Et l’offre encor, ployante, aux pattes de l’oiseau,
Il raccommodera tendrement le roseau,
Et pour que de nouveau la flamme monte et brille,
Tendre, il relèvera la mèche avec l’aiguille.
C’est curieux de précision menue ; mais cette « hampe » et ces