Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui lui montreront son âme, ou à la suite de quelle épreuve sera-t-il amené à la croire ? Et il y a une autre question : comment ce snob fieffé qui, en pleine torture, a eu des gémissemens de snob, renoncera-t-il à sa vanité, reviendra-t-il à la vie saine, à la simplicité, au bon jugement des choses ? Cela n’ira pas tout seul, car il faudra qu’il revienne de loin. Mais, comme toute l’histoire de la liaison aristocratique de Dangy se dérobait dans le second entr’acte, ainsi le troisième entr’acte détient tout entier l’intéressant secret de sa conversion. L’auteur de Snob, trop confiant en notre intelligence et en notre expérience des choses du cœur, nous laisse une part de collaboration vraiment démesurée. Peut-être s’est-il dit aussi qu’une partie de la dernière « scène à faire », — le duo, aujourd’hui inévitable, de la réconciliation, — se rencontrait déjà dans la Douloureuse, et pareillement dans la Carrière. Quoi qu’il en soit, huit ans passent comme un éclair, et nous arrivons au quatrième tableau.

Jacques a cru sa femme ; elle a eu, paraît-il, « cet accent qui ne trompe pas. » Ils vivent retirés à la campagne dans un beau château. Jacques est sage et il est heureux. Il n’est plus snob et il est académicien. La pièce est donc finie ; et il semble que l’auteur n’ait littéralement rien à mettre dans son quatrième acte.

Il a eu cependant l’esprit d’y mettre une scène qui a beaucoup plu, et qui est en effet jolie en soi, et même originale, et par surcroit très bien conduite. Dans le calme séjour où Jacques Dangy jouit en paix de sa fortune et de sa sagesse, M. Guiches a ramené un gredin de lettres, un pâle envieux, Noizay, qui vient lui demander sa voix pour l’Académie. En quoi ce Noizay ne manque pas d’aplomb : car il a écrit naguère un roman à clef où l’aventure de Jacques était contée comme celle d’un mari attentif à tirer profit des erreurs de sa femme. En fines phrases à double sens, Dangy « se paye la tête » du drôle et lui met soigneusement le nez dans son ordure. Puis il lui dit des choses optimistes : que la générosité est tout autant dans la nature que la platitude ou l’infamie, et que par conséquent son roman « naturaliste », genre démodé au surplus, est idiot. Il lui en insinue aussi de dures, et, notamment, que l’auteur de ce roman n’a montré que sa propre bassesse, et qu’il n’est qu’un simple « mufle ». Le mufle, de pâle, devient jaune ; mais il empoche tout sans mot dire, en bon candidat. Et le mérite de la scène, c’est d’abord de faire plaisir ; et c’est encore de rester parfaitement claire dans l’ironie et les sous-entendus.

En résumé, Snob me paraît le « comble » de la comédie « vie parisienne », de la comédie « mal faite », éparse et à tableaux, de ce genre