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LEOPARDI
ET
SON AMI ANTONIO RANIERI

L’Italie fêtera l’an prochain le centenaire de Leopardi, né le 29 juin 1798 dans la Marche d’Ancône, à Recanati, petite ville située entre Lorette et Macerata. Selon la méthode italienne, qui n’est point méprisable, la célébration de ce centenaire mettra les plumes en mouvement. Tel heureux possesseur de quelques lettres inédites du grand et infortuné poète n’attend que cette occasion pour leur faire voir le jour, en les accompagnant d’un copieux commentaire; d’autres expliqueront certains passages de ses Canti ou de ses proses, ou élucideront quelques épisodes obscurs, quelques points controversés de sa mélancolique histoire. Le Dr Franco Ridella a pris les devans; il a ouvert le feu, en publiant à Turin un livre intitulé : Un malheur posthume de Giacomo Leopardi[1].

Peu d’hommes ont plus souffert que le fils du comte Monaldo, et on est mal venu à lui reprocher son amer pessimisme. Il était en droit de se plaindre de la nature, qui avait logé son beau génie dans un corps débile, contrefait et rachitique ; il se plaignait aussi de la fortune : il a connu la pauvreté, les détresses, des dépendances insupportables à sa fierté de gentilhomme et de poète, et, parmi les femmes qu’il a adorées et chantées, il ne s’en est trouvé aucune qui lui fît la grâce de l’aimer. Le 21 août 1820, il écrivait de Recanati à un de ses amis de

  1. Una sventura postuma di Giacomo Leopardi, studio di critica biografica; Torino, 1897, Carlo Clausen.