de fils, c’est elle qui a pouvoir de lui choisir un héritier parmi les agnats. Quand les fils ont grandi, elle leur remet la gestion des biens, mais elle conserve toujours sa position prééminente et reste vraiment le chef de la famille ; l’histoire antique nous fait connaître plusieurs beaux caractères de veuves, qui ont su maintenir leur famille et faire de leurs fils de grands hommes ; même dans notre temps, l’un des personnages les plus connus de la Chine contemporaine attribue, dit-on, ses hautes qualités à l’éducation qu’il a reçue de sa mère. Je ne parle pas de ces diplômes et de ces arcs de triomphe souvent cités, que le Ministère des Rites décerne aux veuves et qui sont la consécration officielle, payée suivant un tarif, du renom d’une austérité plus ou moins affectée; je rappelle seulement que quelques femmes se tuent après la mort de leur mari, parfois avec solennité, devant un public convoqué ; cela se fait surtout au Fou kien : les magistrats assistaient autrefois, dit-on, à ces cérémonies. Parmi les motifs qui engagent une veuve au suicide, il faut sans doute compter le regret du défunt, mais aussi la crainte d’être dépouillée, maltraitée, vendue même par les beaux-frères, au mépris de la loi : car il faut bien dire que la pratique s’écarte plus d’une fois des principes moraux que je viens d’indiquer; une veuve est presque incapable de résister à des beaux-frères rapaces et malveillans et parfois elle n’a de choix qu’entre la maison de prostitution, le suicide et la bonzerie ; il arrive aussi que, trop faible pour imposer une règle à des fils dissipateurs, elle soit réduite à la misère ou se voie forcée de confier ses bijoux, ses meubles à des amis, même à des amis européens, comme j’en ai vu un exemple. Ce sont là des exceptions fréquentes aux principes constitutifs de la famille.
Pour la veuve d’un Empereur, il n’est naturellement question ni de second mariage, ni de bonzerie : le suicide se présente parfois : c’est ainsi, — du moins le bruit en a couru, — que la jeune veuve du dernier Empereur s’est donné la mort, peu de jours après le décès de son mari. Habituellement, l’impératrice continue de vivre au Palais et jouit en paix du veuvage, qui, pour elle, plus encore que pour la femme ordinaire, est le couronnement de la carrière : en effet, mère de l’Empereur, de ce souverain dont la situation morale dans toute l’Asie orientale ne peut être comparée qu’à celle qu’eurent jadis les empereurs romains, qui est chef de l’État, chef de la religion, grand prêtre et héritier du ciel,