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Puisque la femme ne peut ni faire le commerce, ni travailler dans un atelier, à plus forte raison est-elle incapable d’entrer dans ces corporations qui réunissent tous les patrons d’un même métier et qui sont si importantes en Chine. La commune rurale ne la connaît que pour lui faire payer sa part des taxes locales que les propriétaires s’imposent, mais elle ne la laisse pas entrer à la bonzerie pour assister à l’assemblée et prendre part aux délibérations. Du principe de la séparation des sexes, résultent, de la part de l’administration, certains privilèges : les employés de l’octroi de Pékin ne fouillent pas les femmes, et les distillateurs d’eau-de-vie de sorgho en profitent pour faire entrer et vendre leur marchandise sans payer les droits ; les nourrices des orphelinats sont placées sous la surveillance non des directeurs, mais des femmes de ceux-ci, investies pour la circonstance d’une sorte de mandat officiel. Les constatations sur les cadavres de femmes ou sur les blessées sont faites par des femmes, qui sont attachées au tribunal et reçoivent, avec des appointemens assez minces, des gratifications importantes des parties intéressées aux procès ; le code ne permet d’emprisonner les femmes que pour les crimes les plus graves : elles sont alors remises à la garde d’une geôlière hors de la prison commune ; pour un délit moins important, la coupable est confiée à la surveillance de son mari ou du chef de famille tenu pour responsable ; celles qui sont condamnées à la bastonnade, la reçoivent sur une robe simple, et non directement sur la peau ; le rachat de la peine est admis pour elles d’une façon beaucoup plus générale que pour les hommes, la marque et quelques autres châtimens ne leur sont pas appliqués. Les règles morales de la Chine produisent ici des effets semblables à ceux qui viennent en Occident de l’indulgence pour le sexe faible. En dehors de ces cas et de quelques autres peu nombreux, la société ignore la femme : si bien qu’en Chine, on peut par la pensée la supprimer, sans qu’il y ait une place vide ni dans la commune, ni dans la corporation, ni dans les écoles, ni dans l’administration.

Hors de la famille, les seules communautés qui font une place à la femme sont d’origine étrangère : le bouddhisme, qui, privé aujourd’hui de toute vie morale, n’a plus d’une religion que les formes du culte, a, comme par le passé, ses religieuses, avec des aspirantes données ou vendues par leurs parens ; quelquefois des jeunes filles pour échapper au mariage, des veuves lassées de la