porter le deuil trois ans et le deuil du veuf est d’un an seulement. Mais les privilèges du mari sont, d’autre part, très considérables : s’il frappe sa femme, le magistrat n’intervient que sur la plainte de celle-ci ; s’il la tue volontairement, il est passible de la strangulation, mais, si elle se donne la mort pour échapper à ses mauvais traitemens, il n’est pas châtié; en revanche, la femme reçoit quarante coups de rotin pour des injures dites à son mari et est punie de la mort lente, lorsqu’elle l’a tué avec intention. En cas d’adultère, le mari qui tue la femme et le complice pris en flagrant délit bénéficie d’une excuse légale; s’il ne la tue ni ne la renvoie, il est passible de la bastonnade, mais le mandarin, moins puissant que le chef de famille, ne peut le contraindre à la répudier; l’époux offensé peut, s’il le préfère, vendre sa femme à tout autre qu’au complice ; bien entendu, l’homme n’est jamais principal coupable dans l’adultère et jouit de la plus complète liberté pour ses amours; en pratique, l’adultère est rare, à cause de la sévérité des lois, de la communauté de la vie familiale et de la curiosité des voisins. Outre l’adultère, il existe sept cas où la répudiation est autorisée depuis la plus haute antiquité : le premier, la stérilité, s’explique facilement, puisque le but même du mariage est de perpétuer la famille; les autres, impiété filiale, inconduite, etc., permettent de chasser une femme, dont le mauvais caractère ou les vices jettent le trouble dans la famille ; ils mettent une arme terrible dans les mains de la belle-mère : aussi la loi moderne prévoit quelques circonstances où la femme non adultère ne peut être répudiée pour aucun motif, par exemple lorsqu’elle a porté le deuil de trois ans pour les parens de son mari, ou lorsque ses propres parens sont morts. Le divorce par consentement mutuel est toujours possible ; mais la femme ne peut divorcer contre la volonté du mari et, si elle quitte le domicile conjugal, elle est passible du bâton; elle peut même être vendue. La répudiation sans motifs graves est vue de mauvais œil par les moralistes d’aujourd’hui : les honnêtes gens la déconseillent, refusent même d’en écrire l’acte pour le compte d’autrui, cet acte est considéré comme de mauvais augure et on le rédige en plein champ, de peur de porter malheur à la maison où on l’écrirait : c’est, d’ailleurs, un acte purement privé, mais les parties ne se contentent pas de le signer, elles y impriment leur main trempée dans l’encre, car une telle empreinte passe pour inimitable et donne au document un caractère d’authenticité absolue. L’acte est
Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/192
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.