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impériales et les impératrices ont des appellations qui leur sont spéciales, ce sont des noms octroyés par décret.

Un enfant est en général nourri par sa mère, au besoin par une nourrice louée, ou par l’une quelconque des femmes de la maison: chacune, en effet, donne le sein indifféremment à son enfant ou à ceux des autres ; mais on n’a jamais recours au lait des animaux, car le Chinois ne veut pas contracter avec une vache ou une chèvre des liens de quasi-parenté. Les petites filles sont toujours vêtues de couleurs claires et de bon augure, jaune, rouge vert; sur leur tête rasée on laisse pousser deux ou trois touffes de cheveux, dont on fait des nattes nouées de soie rouge ; comme bijoux, elles portent des sapèques en argent ou d’autres talismans contre les mauvais esprits ; comme jeux, elles ont le volant qu’elles lancent et reçoivent avec le pied, elles imitent surtout les occupations des femmes et s’exercent ainsi aux saints et prosternemens si fréquens dans l’étiquette chinoise. Cette première enfance est très douce, car les parens aiment beaucoup même leurs filles, quand ils ont pris leur parti de ce sexe malencontreux; jamais on ne frappe, ni on ne contrarie les enfans de cet âge, on n’essaie même pas de leur donner la première éducation que nous tenons pour si importante : l’insouciance chinoise trouve son compte à cette méthode et les résultats n’en sont pas trop mauvais, en raison du caractère souple de la race et de la forte discipline sociale fixée par les rites.

Vers six ou sept ans, la petite fille commence une nouvelle vie : elle est étroitement renfermée dans les appartemens intérieurs et séparée de ses frères et de ses petits compagnons de jeu, qui commencent à étudier et ne doivent plus avoir de rapports avec les filles; d’ailleurs, elle ne pourrait guère continuer de prendre part à leurs ébats, puisque c’est à cet âge qu’on commence à lui déformer le pied : au moyen de massages et d’un bandage que l’on serre progressivement, les petits orteils et toute la partie externe du métatarse étant repliés sous le pied, la concavité de la plante s’exagère et le poids du corps repose sur le gros orteil et sur l’extrémité du talon ; il faut des années pour transformer le pied naturel en ce « nénuphar d’or» qui, depuis bien des siècles, caractérise la beauté féminine. Les femmes marchent malgré cette demi-amputation et les servantes, dont le pied est souvent aussi petit que celui de leur maîtresse, travaillent, portent des fardeaux, toujours de cette allure balancée et saccadée