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de 1 500 000 pesos fuertes, chiffre excessif, mais qui n’en faisait paraître l’affaire que meilleure. Goûte que coûte, et de préférence coûtant le moins possible, on y devait entrer, mais comment? Le plus simple n’était-il pas que l’Union se fît le banquier de l’Espagne et lui prêtât son concours financier, en prenant bonne et valable hypothèque sur les revenus de Cuba, par exemple sur la douane de la Havane? — ce qui aurait pour effet utile d’écarter les deux seuls compétiteurs qui fussent à craindre dans les Antilles, l’Angleterre et la France.

Et le premier article du programme devenait : agir en sorte que, jusqu’à ce que l’heure arrive, l’heure marquée, Cuba demeure en la possession de l’Espagne et que nulle autre puissance européenne, ni la Grande-Bretagne, ni la France, ne vienne se substituer à elle, afin que cette heure, qui doit sonner un jour, n’en soit point retardée. Le second article était : tâcher, par un coup de pouce adroitement donné, de faire gagner un tour à l’aiguille, sur le cadran mystérieux des destinées. Ne rien précipiter, mais ne rien garantir; ne pas favoriser dans le Nouveau Monde, alors en éruption, les révolutions contre l’Espagne, mais avertir que, si l’incendie gagnait Cuba et Puerto-Rico, à leur fortune était si intimement liée la prospérité des Etats-Unis qu’ils n’en pourraient rester les spectateurs indifférens, et que cela créerait à leur « gouvernement des devoirs et des obligations dont il ne pourrait, quelque regret qu’il en eût, éluder l’accomplissement[1]. » En même temps dénoncer les menées suspectes des autres, de cette Angleterre insatiable, qui traîtreusement envoyait une frégate à Cuba pour relever l’état des défenses de l’île et s’enquérir des dispositions de ses habitans : sourire des yeux et menacer des dents; inquiéter de la voix et engager du geste; fermer le poing et laisser reluire de beaux dollars entre les doigts ; telle est, dès 1823, dans les notes de M. Adams à M. Nelson, et dès 1825, dans les notes de M. Clay à M. Everett, la politique de l’Union quant à la question cubaine, et telle elle continue d’être jusqu’aux environs de 1848.

En 1848, on la retrouve dans une dépêche célèbre du secrétaire d’État M. Buchanan à M. Saunders; elle n’a pas changé, elle s’est précisée : on a suivi l’affaire et l’on serait maintenant disposé à conclure. Une espèce de devis a été dressé par les statisticiens

  1. Note de M. Clay à M. Everett, d’avril 1825. — Sedano, p. 11.