Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

empressées à sa rencontre la convient à prendre place.

Plus noble encore et toute rayonnante du sentiment de la grandeur à laquelle elle est appelée, Marie de Médicis nous apparaît dans cette cérémonie du Mariage à Florence, où, comme fiancée d’Henri IV, elle reçoit au nom de son futur époux la bague que lui passe au doigt son oncle, le duc Ferdinand de Médicis. Rubens, on le sait, avait assisté à cette cérémonie dont il se rappelait avec précision les moindres détails. C’est dans toute la maturité de son talent qu’en se reportant à ces souvenirs déjà lointains, il a su exprimer le caractère de grandeur et d’intimité qui se dégage d’une pareille scène. Sauf le petit génie qui, un flambeau à la main, soutient la traîne de la robe nuptiale et dont il aurait pu tout aussi bien faire un page, tous les élémens de la composition sont scrupuleusement exacts et Rubens parle ici avec autant d’autorité que de charme le langage de l’histoire. Mais, quelle que soit la maîtrise à laquelle il est parvenu et si nombreux que soient les chefs-d’œuvre qu’il doit encore produire, on citerait difficilement parmi eux une figure comparable à celle de Marie de Médicis. Traitée déjà en reine de France par sa famille, la couronne en tête et vêtue d’une robe blanche brodée d’or, elle se tient debout devant l’autel, un peu pâlie par l’émotion, et, d’un geste vraiment royal, elle tend sa main au représentant d’Henri IV, avec ce mélange de dignité, de réserve et de grâce naturelle qu’une Italienne de race peut, comme sans y prendre garde, donner à une action aussi simple. Marie de Médicis a dû cette fois être contente de son peintre, pour toutes les distinctions dont il l’a parée dans une des circonstances les plus solennelles de sa vie.

Avec plus de raison encore, l’ambitieuse princesse avait lieu d’être satisfaite du Couronnement à Saint-Denis. C’est d’accord avec Rubens qu’elle avait décidé de donner plus de développement à cet épisode qui marquait le point culminant de son aventureuse existence. Jamais triomphe plus éphémère n’a été exprimé d’une manière plus magnifique. On sait combien l’art est impuissant d’ordinaire à rendre ces sortes de représentations, combien la plupart des images qui en ont été tracées sont à la fois encombrées et vides d’intérêt, incohérentes ou froides dans leur ordonnance. Il semble que c’est en se jouant que Rubens ait triomphé de toutes les difficultés d’un pareil sujet. Il n’avait rien négligé d’ailleurs pour donner à son travail toute la perfection dont il