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à sa composition des dimensions plus grandes, Rubens ne lui ait pas conservé l’unité qui se trouve dans l’esquisse de l’Ermitage, quel éclat, du moins, et quel art dans ce groupe des seigneurs qui, pressés au pied du trône de la reine, l’assurent de leur dévouement ! Avec quel élan, jeunes et vieux, ces bons serviteurs confondent leurs protestations ! Quelle science de l’harmonie dans le rapprochement des nuances variées de leurs costumes, disposées avec un si merveilleux à-propos !

Il y a plus et mieux encore dans trois compositions auxquelles nous devons nous arrêter parce qu’elles méritent d’être mises hors de pair. Si plus d’une fois nous avons eu à regretter la fâcheuse intervention de la mythologie dans des œuvres où elle n’avait que faire, nous serions mal venus à la trouver déplacée dans le Débarquement de la Reine, tant elle ajoute au pittoresque de la scène. C’est à elle, en effet, que nous devons ces séduisantes divinités marines qui occupent le devant du tableau et sans lesquelles, réduit aux réalités officielles, ce sujet fût demeuré assez insignifiant. Il convient également de remarquer à quel point Rubens a été bien inspiré en remaniant, comme il l’a fait, la disposition primitive telle que nous la montre l’esquisse de la Pinacothèque. Vue de biais, la galère se présente à nous d’une manière plus imprévue et laisse mieux à l’épisode central toute son importance. En rendant aussi plus horizontal le pont jeté entre l’embarcation et le quai, l’artiste a donné plus d’assiette à sa composition. Ayant ainsi, grâce à ces judicieuses modifications, établi plus fortement la charpente de son œuvre, il y a répandu à foison la vie, le mouvement, l’incomparable éclat de son coloris. Avec la pourpre des tapis, avec l’or de cette galère dont les mémoires du temps célèbrent à l’envi le somptueux aménagement, avec les glauques transparences de la mer et les blancheurs du flot écumeux, il a fait un merveilleux accompagnement aux corps rougeâtres et basanés des tritons et aux blancheurs nacrées des naïades s’abandonnant aux caprices de la vague. Les lignes ondoyantes du premier plan et la richesse des colorations qui s’y étalent, loin de distraire l’attention, la reportent, au contraire, sur la partie supérieure, pour la fixer sur la figure de la reine qui domine tous les autres personnages. Vêtue de blanc, elle vient de quitter la galère et s’avance fièrement vers le dais brodé des lys royaux sous lequel — à défaut d’Henri IV s’oubliant près de sa maîtresse — la France et la Religion