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plus longtemps que la flotte allemande, depuis vingt ans bientôt, malgré quelques fluctuations inévitables. Il y a là une confirmation bien nette de ce que nous constations tout à l’heure, l’influence de la politique extérieure et surtout de l’attitude diplomatique sur la constitution de la force navale d’un pays. Mais encore faut-il que ce pays, pour soutenir éventuellement une attitude qui faillit à plusieurs reprises provoquer la catastrophe, ait trouvé des hommes aussi remarquables comme militaires et administrateurs que les Brin, les Saint-Bon, les Morin.

Les forces actives destinées à opérer en haute mer par l’amirauté italienne comprennent 12 cuirassés, — dont 2 en achèvement et 1 en refonte, — et 3 croiseurs cuirassés (le Marco Polo compris), soit la unités de combat, 15 croiseurs protégés ou éclaireurs d’escadre, mais éclaireurs fortement armés, sur lesquels on compte pour grossir l’ordre de bataille ; 13 éclaireurs plus petits, et au moins 25 ou 30 torpilleurs de fort échantillon (de 90 à 160 tonnes), 150 autres un peu plus faibles ou plus anciens constituant avec les navires de haut bord de types démodés l’élément défensif de la force navale.

Pris dans leur ensemble, les 70 bâtimens de haute mer ont une remarquable homogénéité de facultés stratégiques : la vitesse, nulle part inférieure à 16 nœuds (depuis la refonte du Duilio et du Dandolo), atteint facilement 18, 19, 20 nœuds même, sur un bon nombre d’unités ; la distance franchissable ne tombe jamais au-dessous de 4 000 milles à 10 nœuds et s’élève souvent au double. Pour la flotte d’une puissance placée au milieu de la Méditerranée, 4 000 milles représentent un rayon d’action considérable, puisque 1 800 milles seulement séparent Port-Saïd de Gibraltar. Les Italiens ont-ils prévu que leur escadre pourrait aller jusque dans la Manche et dans la mer du Nord pour lier plus étroitement ses opérations avec celle du fidèle allié ? Pourquoi pas ?… Cet approvisionnement de combustible un peu fort, et dont un large emploi du pétrole augmente encore le rendement, semble fournir là-dessus une indication intéressante.

On voit bien, en tout cas, que l’un des traits les plus caractéristiques de cette flotte est la mobilité. « La guerre, c’est le mouvement », disait Napoléon. Nos voisins ne l’ont pas oublié.

Si nous examinons maintenant les facultés tactiques des navires italiens, nous remarquons tout de suite la rupture de l’équilibre classique entre l’armement défensif, réduit au minimum, et