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fort à souhaiter. En tout cas, il y aurait peut-être là assez à faire pour une marine dont la modestie des ressources de l’empire austro-hongrois, les embarras du dualisme — et aussi sa dépendance étroite de l’organisme rival, l’armée de terre — entravent le développement normal.

Mais en dépit des pronostics qui sembleraient le plus justifiés, il est prudent de supposer qu’après avoir réservé des élémens de second ordre pour leurs opérations sur les côtes du Monténégro, les Autrichiens constitueraient, pour agir de concert avec les Italiens, une forte division de 3 cuirassés (2 neufs, 1 refondu, le Tegethof), 3 croiseurs cuirassés ou protégés, 3 éclaireurs rapides et une douzaine de torpilleurs de haute mer, encadrés de torpilleurs divisionnaires, comme chez les Allemands. Ne nous le dissimulons pas, l’appoint de cette force navale très mobile, très armée, montée par des marins et dirigée par des officiers dont on sait la valeur, augmenterait singulièrement la puissance de l’escadre qui nous serait opposée dans le bassin occidental de la Méditerranée. Et ce serait là, avec beaucoup d’autres, un sérieux motif de prendre l’offensive et de nous porter le plus rapidement possible dans la mer Ionienne pour empêcher la jonction des alliés. A la vérité, l’adoption de ce théâtre d’opérations un peu excentrique suppose la constitution préalable, soit à Tunis, soit à Bizerte, d’une base solidement défendue et bien pourvue de charbon, de munitions, de torpilles, des objets de rechange les plus essentiels.

Mais laissons cela un moment pour examiner de près les forces italiennes. C’est une flotte intéressante que celle-ci. Elle a tout justement les facultés qui font défaut à la nôtre, — qui lui faisaient défaut, pour mieux dire, en tenant compte de certains progrès récens ; — et, vraiment, les Allemands, les Anglais, ont été fort habiles d’opposer ainsi l’une à l’autre deux marines qui se compléteraient si bien ; car le jour où nos voisins du sud-est s’apercevront qu’ils font sans grand profit le jeu de ces habiles politiques, le jour enfin où renaîtra entre les peuples latins une entente fondée sur le respect réciproque de leurs aspirations, ce jour-là, les races du Nord cesseront de commander dans la Méditerranée.

Le grand intérêt de cette flotte, pour revenir au présent et rentrer dans la réalité, c’est qu’elle est offensive ; qu’elle l’est résolument, de propos bien délibéré ; qu’elle l’est depuis beaucoup