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pour lui donner un avantage décisif sur le modèle Schichau, avantage que marquerait surtout l’emploi d’un canon de 65 millimètres. De même il faudrait avoir des chefs de groupe nettement supérieurs aux torpilleurs divisionnaires de 400 tonneaux des Allemands. Si le déplacement de nos avisos rapides tels que le Cassini — 900 tonneaux — paraissait un peu fort, du moins ne pourrait-on descendre au-dessous de 600, afin d’avoir, là encore, avec une vitesse égale (26 nœuds), une artillerie plus forte et une plus grande endurance.

Telle paraît être, dans les circonstances politiques actuelles, la constitution logique d’une escadre d’opérations destinée à prendre l’offensive au nord de l’Europe.


IV

Passons dans la Méditerranée, où l’évaluation exacte des forces de nos adversaires ne laisse pas d’être délicate, puisqu’elle dépend de l’opinion que l’on se fait de la coopération des deux marines de l’Autriche et de l’Italie.

Que les souvenirs de Lissa s’effacent brusquement si le grand conflit éclatait, nous voulons bien le croire. Mais il y a autre chose : le choc violent qui mettrait aux prises les cinq grandes puissances du continent européen aurait une répercussion immédiate dans cette péninsule des Balkans, si divisée, si agitée, si bien partagée d’ailleurs entre les deux partis. Les populations slaves de la Bosnie, de l’Herzégovine, impatientes du joug autrichien, laisseraient-elles échapper cette occasion unique de s’affranchir ? — Non, certainement ; et il n’y a pas grande témérité sans doute à admettre que les belliqueux Monténégrins, amis de la Russie, descendraient de la Tserna-Gora pour aider leurs frères. Ils sont bien organisés, dit-on, bien outillés et tout prêts à une action énergique.

Eh bien ! le théâtre d’opérations tout marqué de la marine autrichienne, c’est là, derrière le rideau des longues îles Dalmates ; c’est ce littoral creusé, tourmenté, où les montagnes sont des promontoires et les vallées des golfes, où des fiords enchevêtrés peuvent conduire rapidement jusqu’au pied de Cettinjé un corps de troupe embarqué à Pola et lui permettre de prendre à revers les envahisseurs de la plaine bosniaque. Dulcigno, Gattaro, seront-ils dotés de défenses maritimes fixes et mobiles ? Ce serait