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lue le 4 mars dernier au Capitule devant la population de Washington, a constaté le fait en termes mélancoliques: «Le Congrès devra donner son attention au rétablissement de la marine marchande américaine, jadis l’orgueil des mers sur toutes les grandes voies commerciales de l’Océan. Les États-Unis ont fait des progrès merveilleux dans tous les champs de l’entreprise et de l’activité humaines, et nous sommes arrivés au premier rang sur le terrain du commerce intérieur, du trafic avec l’étranger et de l’industrie. La marine marchande, au contraire, a décliné constamment chez nous en tonnage et en nombre de navires. »

Les États-Unis, cependant, ont dans leur blé, leurs bestiaux, leurs salaisons, leur coton, leur pétrole, en quantité à peu près illimitée, un fret de sortie qui manque à la France. Une des principales raisons, pour lesquelles toutes ces denrées traversent l’océan Atlantique sous pavillon anglais plutôt que sous pavillon américain, est que l’ « américanisation » n’est pas admise par la législation des États-Unis. Un navire ne peut être immatriculé comme américain que s’il est construit en Amérique. Or, les Etats-Unis construisant chèrement, les Anglais économiquement, les capitaux américains se détournent de la construction. S’il n’en était pas ainsi avant 1860, c’est qu’alors les navires de commerce étaient à voiles et construits en bois. Les clippers d’Amérique étaient de grands trois-mâts, des voiliers célèbres par la perfection de leurs formes et leurs qualités manœuvrières, et les forêts de la Nouvelle-Angleterre contenaient en abondance un bois excellent pour la construction.

La substitution de la vapeur à la voile, des coques en fer, puis en acier, aux coques en bois, a donné la suprématie, presque le monopole des mers, à la Grande-Bretagne, à cause de ses bassins de houille côtiers, qui assuraient, avec le bon marché de la construction de l’acier, la force motrice, et un fret de sortie pratiquement inépuisable.

Tandis que la loi américaine exige que les navires soient construits dans le pays, elle est moins exigeante pour les équipages, qui se composent pour moitié d’étrangers, spécialement de Scandinaves, plus sobres, plus disciplinés que les Américains.

Si l’on prend pour exemple un port, celui de Boston, on constate que le mouvement de la navigation y est à peu près tout entier sous pavillon britannique. Très loin, au second rang, viennent les pavillons allemand et norvégien. La France n’est représentée