le pape a donné un dîner solennel aux ambassadeurs de Parme en son palais, dans la salle papale inférieure; et après le dîner il a fait réciter deux comédies en langue vulgaire, avec quelques églogues. Si bien que lorsqu’il fut temps de se rendre aux vêpres, et que les cardinaux commencèrent à arriver, il s’en alla se coucher et dormit, selon sa coutume, pendant une heure ou deux. Enfin, réveillé, il vint aux vêpres, qui furent célébrées dans la chapelle, more solito, 17 cardinaux y étant présens. Notre chapelle fut ouverte aujourd’hui pour la première fois avec ses peintures complètement achevées (pingi finita) : pendant trois ou quatre ans, sa voûte est demeurée cachée par l’échafaudage qui la couvrait en entier. »
Les traditions de famille, les enseignemens de Savonarole et les tendances humanistes du siècle avaient fait à Michel-Ange l’âme triplement républicaine; et il n’a jamais pardonné au grand pape ligurien l’attentat contre Florence. Il n’a parlé de lui depuis lors que sur un ton d’amertume et de récrimination, exagérant prodigieusement les griefs personnels du passé, ceux surtout de l’année 1506 : le Rovere l’aurait alors fait revenir « la corde au cou », l’aurait forcé de crier misericordia[1]!... Dans les lettres écrites à Fattucci en 1524, comme dans les souvenirs dictés à Condivi en 1553, aucun retour attendri sur l’époque glorieuse de la volta, aucune bonne parole pour le pontife-mécène qui, après tout, ne lui a fait d’autre violence que de l’amener à produire la plus belle et la plus complète de ses œuvres. Nulle part non plus, Buonarroti n’a exprimé de regrets sur la destruction de la statue de Bologne, et il n’a jamais fait même le commencement de la figure de Jules II, qui devait couronner la fameuse Sepultura, sa préoccupation et son cauchemar pendant trente ans. Lorsque je considère que pendant ces trente ans Michel-Ange a saisi toute occasion pour réduire de plus en plus le mausolée, rêvé si immense à l’origine, et qu’il a fini par en abandonner l’achèvement si mesquin à des mains étrangères et malhabiles, je comprends à merveille son mot célèbre et tant commenté sur « la tragédie de la tombe », mais je le comprends autrement que ne le font la plupart
- ↑ ... Mi bisognô per forza andare domandargli misericordia a Bologna. Lettre à Fattucci, 1524 (éd. Milanesi, p. 429).