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de cette force navale, et le meilleur moyen, assurément, était de lui donner la ligne de communications intérieure, au travers du Holstein. Les travaux du canal maritime de l’embouchure de l’Elbe à la baie de Kiel furent entrepris au mois de juin 1887. En même temps, toujours prévoyante, toujours exacte à faire le nécessaire en temps voulu, l’amirauté allemande mettait sur chantier trois garde-côtes cuirassés et relativement rapides, en tout cas bien armés, malgré la faiblesse de leur déplacement et de leur tirant d’eau (4 000 tonnes et 5m, 50, type Siegfried).

C’est à ce moment que Guillaume II monta sur le trône. On le savait très épris de la mer, très au courant des choses de la marine. Son grand-père, disait-il, avait organisé la glorieuse armée allemande ; il se chargeait, lui, d’organiser la flotte impériale et d’en faire un parfait instrument militaire, c’est-à-dire un instrument offensif, car « faire la guerre, c’est attaquer. » Et tout de suite, en effet, changea la face des choses : une impulsion vigoureuse fut donnée aux travaux du canal maritime ; Helgoland, acquis des Anglais, devint le poste avancé, la grand’garde de ce débouché stratégique ; des crédits extraordinaires furent demandés au Reichstag pour doubler la force navale, la doter de puissantes unités de combat (4 du type Wörth, 2 du type Kaiser Friedrich III), de croiseurs rapides protégés (5 des types Kaiserin Augusta et Gefion), de croiseurs cuirassés même, comme le nouveau Leipzig, superbe bâtiment de 10 000 tonnes, qui vaut les meilleurs cuirassés descadre. Les anciennes unités furent refondues, modernisées et le König-Wilhelm, par exemple, le premier vaisseau allemand, redevint capable de combattre en ligne avec les types récens. Il n’y eut pas jusqu’aux petits cuirassés garde-côtes de la famille du Siegfried (cinq autres avaient été mis sur cale) qui, s’étant trouvés de fort bons navires de haute mer, reçurent des chaudières économiques et un approvisionnement supplémentaire de pétrole, pour que leur rayon d’action leur permît de participer aux opérations offensives.

L’offensive, tel est bien, en effet, le caractère de cette nouvelle flotte, et le parti démocrate du Reichstag ne s’y trompait pas qui dénonçait éloquemment en 1889, qui dénonce tous les ans et toujours en vain, lors de la discussion du budget, les visées ambitieuses du jeune souverain, les harangues enflammées où s’exalte l’esprit agressif des marins allemands, les conférences à l’Académie de Kiel pour proclamer la nécessité du nombre, de la