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pendant le mois d’août 1511, lorsque, le 23 septembre, Jules II prononçait tout à coup l’interdit sur Florence, en punition de sa complicité dans le concile schismatique de Pise et de ses sympathies demeurées toujours françaises. Le mois suivant, le cardinal Giovanni de’ Medici (le futur Léon X) était nommé légat du pape auprès de l’armée de la Sainte-Ligue : un tel nom dans une telle situation, menaçait l’existence même du régime républicain sur les bords de l’Arno. Le jeu de la politique, le giuoco del mondo, arrivait à des combinaisons imprévues et qui pouvaient sembler fabuleuses : un Rovere protégeant un Medici, le neveu de Sixte IV préparant la voie au fils de Laurent le Magnifique pour son retour dans la cité de Savonarole !... Dans cette cité, où les souvenirs de la conspiration des Pazzi étaient encore si vivaces, — ils le sont restés jusqu’à nos jours, — on ne voulut longtemps pas croire à une éventualité aussi monstrueuse. Le gonfalonier Soderini, qui d’ailleurs n’a jamais désiré autre chose que de garder la neutralité entre le souverain pontife et le roi très chrétien, fit son possible pour apaiser la grande colère du Vatican, et l’hiver de 1511 à 1512 se passa dans des alternatives de crainte et d’espérance, selon la marche des événemens sur le théâtre de la guerre; selon cette marche aussi, le pape tantôt suspendait et tantôt remettait en vigueur son interdit sur la patrie de Michel-Ange. Au printemps de 1512, les succès éclatans de Gaston de Foix paraissaient écarter tout danger; la bataille de Ravenne pouvait même être considérée comme une délivrance définitive. Il n’en fut rien cependant, et le mois de juin vit l’effondrement subit et complet de la puissance française dans la péninsule. Comme la Sainte-Alliance eut, en 1821, son Congrès de Laybach, la Sainte-Ligue en 1512 eut son congrès de Mantoue : un Congrès de restauration et de légitimité qui décréta le rétablissement des Sforza à Milan et des Medici à Florence. Bien entendu, les Medici ne demandaient qu’à rentrer paisiblement dans leurs foyers en simples citoyens ; mais personne ne fut dupe de cette modération hypocrite, et la malheureuse république ne songea plus qu’à résister par les armes à l’envahisseur, don Ramon de Cardona, capitaine général de la Sainte-Ligue. Vains efforts ! Le sac de Prato (29 août) ne tarda pas à démontrer la supériorité des troupes aguerries de Cardona sur la milice toscane, sur l’ordinanza que Machiavel avait organisée à la hâte avec autant de zèle que d’illusion. La soldatesque espagnole commit des horreurs