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séparait les deux Maurétanies, la Tingitane de la Césarienne, et cette division s’est maintenue, à travers le moyen âge arabe ou berbère, jusqu’à notre époque.

« Le Maghreb-el-Aksa, écrit au XIVe siècle Ibn-Khaldoun, est borné à l’est par la Moulouia... Le Maghreb central est habité en majeure partie par les Zenata. Tlemcen en est maintenant la capitale, et le siège de l’empire. »

La suite des événemens qui se sont produits dans l’Afrique septentrionale, après la conquête musulmane, ne fait que confirmer ce qu’avance l’antique historien berbère. Les Khalifes ommiades investissent du gouvernement des deux Maghreb le Zénète Hiri-ben-Atia. Celui-ci fonde Oudjda pour s’installer au centre même de son commandement. La nouvelle cité devenait le boulevard de la frontière. Elle eut, durant des siècles, à subir les continuels assauts des souverains du Maghreb-el-Aksa, dont l’effort tendait sans cesse à s’étendre du côté de l’Orient. Aussi bien, dans leur capitale de Fez, ils ne se trouvaient pas suffisamment à l’abri des invasions orientales qui, pour les atteindre, n’avaient qu’à suivre la trouée marquée et facile qui relie les royaumes de Tlemcen et de Fez. Cette histoire des deux Maghreb n’est donc qu’une longue nomenclature de luttes identiques pour l’occupation d’Oudjda. Mais, quoi qu’il arrive, nous retrouvons toujours la Moulouia comme limite des deux empires, et souvent même les souverains marocains prennent le titre de princes moulouyens ou de la Moulouia.

Les Turcs apparaissent à Alger au XVIe siècle. Ils ne tardent pas à entrer en lutte avec les maîtres du Maghreb-el-Aksa. Ils se sont substitués aux Beni-Zian et ils ont recueilli tous les droits de cette dynastie à la frontière de la Moulouia. Deux victoires consécutives les y conduisent, et ils s’installent définitivement à Tlemcen. Mais les Marocains vaincus n’en continuent pas moins leurs incursions sur la rive droite du fleuve. En 1553, Salah-Raïs, pacha d’Alger, irrité de ces continuelles agressions, réunit une armée formidable, défait deux fois les troupes chérifiennes, détrône Mohammed-el-Mahdi, chérif saadien qui venait de se substituer au mérinide Ahmed. Toutefois, au départ des Turcs, Mohammed-el-Mahdi reconquiert son royaume et court assiéger Tlemcen. Le pacha, pour s’en débarrasser, le fait assassiner. Dès lors, et pendant un siècle, la frontière de la Moulouia est respectée.