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autant que possible tout sujet d’ombrage et de mésintelligence. »

La cour de Fez savait profiter de ces dispositions. Et plus le souverain du Maroc et son entourage affectaient de craintes au sujet du traité de délimitation, plus ils montraient de répugnance à entreprendre quoi que ce fût contre Abd-el-Kader, plus nous pensions être obligés de nous en tenir strictement aux données vaguement fournies par les indigènes sur les droits des Turcs, qui nous avaient été reconnus. Car, ces droits, nous les ignorions absolument, et pour qui connaît le caractère arabe, un mensonge était léger à la conscience de fanatiques ayant affaire à des chrétiens. En outre, même s’ils furent de bonne foi, l’état des choses au moment de notre conquête de l’Algérie n’était point fait pour qu’ils apprissent, autrement que par ouï-dire, jusqu’où s’était étendue la domination turque. De frontière, telle que nous la concevons, il n’y en avait pas. Oudjda, depuis 1795, était en la possession du Maroc. La frontière naturelle de la Moulouia n’existait plus. Cette zone était à peu près indépendante, ni turque, ni guère marocaine. Les renseignemens que nous avions puisés à cet égard dans les archives des beys étaient incertains.

Depuis plusieurs années cependant, nous nous préoccupions d’établir, avec une bonne foi digne d’un meilleur sort, le tracé d’une frontière éventuelle. C’est ainsi que nous avions demandé au vieux général indigène Mustapha-ben-Ismaïl de nous dresser une carte. Le fac-similé qu’on en garde encore dans nos ministères est chose enfantine. I) semble néanmoins qu’on s’en soit servi. De même, des renseignemens furent puisés dans un ouvrage publié en 1834 par un consul à Tanger, Graeber de Hemsö, ouvrage qui faisait autorité, et dont l’auteur ne connaissait pas le pays qu’il a eu la prétention de décrire.

En ce qui concernait le sud, nous étions encore plus insuffisamment documentés. [[... Au sud des populations que je viens d’indiquer, écrivait le général de Lamoricière (il parlait des populations situées à l’ouest du Djebel-Amour), se trouve la plaine de sables où les tribus ne peuvent plus camper avec leurs troupeaux, que les caravanes seules peuvent franchir, et qui forme, de notre côté, pour cette cause, la véritable frontière sud de l’Algérie. A l’ouest, sont les populations nomades qui dépendent du Maroc. » Or le général de Lamoricière avait recueilli tout un travail qu’il avait fait préparer sur la délimitation à établir entre l’Algérie et le Maroc. Il était un des mieux informés; et l’on