Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/870

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étaient des fractions infimes de sujets algériens ; nos Angad avaient des propriétés aux portes d’Oudjda, ceux du Maroc sur les bords de la Tafna. Nos Oulad-Sidi-Medjahed possédaient leurs mechtas (établissemens d’hiver) sur le territoire marocain, etc., etc. C’était la confusion organisée. On devine quelles peines avaient nos administrateurs militaires pour maintenir seulement un peu d’ordre dans ce mélange et ce heurt continuel d’intérêts divers. La tâche était ardue, de gouverner des populations habituées à ne connaître aucun joug, pour qui la frontière n’existait pas; cette frontière, indécise, mal définie, toujours discutée, n’étant un obstacle que pour arrêter notre poursuite ou notre action. Il est donc aisé de concevoir que, dès le principe, les autorités algériennes aient protesté contre un tel état de choses et que ces protestations n’aient jamais cessé complètement.

Néanmoins, vers 1857, la frontière jouissait d’une tranquillité presque absolue ; les tribus marocaines, châtiées, avaient cessé leurs incursions sur notre territoire. C’était pour peu de durée. En 1859, nous voyant engagés dans une guerre européenne, elles crurent l’heure propice, mais une rapide campagne calma cette effervescence; nous reprîmes l’organisation de nos tribus; et, quelques années plus tard, l’application du sénatus-consulte de 1863, qui constituait la propriété indigène, forçait à vérifier d’une façon plus attentive le tracé de notre frontière. C’est ainsi que l’on constata le vague ou l’inexactitude des points désignés par la convention de Lalla-Mar’nia. Par exemple, si nous cheminons de Ras-el-Aïoun vers le sud, nous arrivons au point dit Dra-el-Doum. C’est un contrefort de 4 kilomètres de long! De même pour la plaine d’El-Aoudj qui lui fait suite, plaine très grande, assez fertile, également convoitée par les Beni-Snassen marocains, nos Beni-Ouassin et nos Achache, et que l’on ne savait comment départager. Plus loin c’est un kerkour. On nomme kerkour des amas de pierres, sortes de pyramides, que les indigènes marocains ne se font, on le devine, aucun scrupule de déplacer. Quand ils ne les déplacent pas, ils en élèvent d’autres là où leur intérêt les engage à le faire. C’est ce qui était arrivé pour le Kerkour Sîdi-Hamza désigné par le traité. Puis on s’apercevait que l’Oued-Rouban n’existait pas, que Kouddiet-el-Debbar, après la plaine de Missiouin, envahie par les Beni-Hamelil marocains, se trouvait à l’est et non au sud du point noté, ce qui faisait perdre à nos Oulad-En-Nehar presque toutes leurs terres. Or, comme