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le traité de Tanger, qui prévoyait la fixation d’une frontière entre les deux États :

« La délimitation des frontières entre les possessions de Sa Majesté l’empereur des Français et celle de Sa Majesté l’empereur du Maroc reste fixée et convenue conformément à l’état de choses reconnu par le gouvernement marocain à l’époque de la domination des Turcs. »

De cette clause devait sortir la convention dite de Lalla Mar’nia. Nous la rappellerons en quelques lignes. Elle comprend deux parties distinctes : la première, délimitant nos possessions, indique les points de notre frontière, qui part de la mer, à l’embouchure de l’Oued-Kiss, pour remonter jusqu’à la source de ce cours d’eau et de là gagner le col dit Teniet-es-Sassi qui en est le point terminus. La seconde partie, considérant que le Teniet-es-Sassi peut être admis comme la limite extrême des pays habitables, ne s’occupe plus d’aucune fixation de frontière. On est arrivé au désert. Ce pays n’est à personne, c’est le « pays des fusils », quelque chose d’analogue, d’assimilable à une mer intérieure, où l’on se contenta de partager les tribus et les villages ou ksour de la région.

Les difficultés et les récriminations qui s’ensuivirent commencèrent presque aussitôt, c’est-à-dire dès le moment où la soumission d’Abd-el-Kader faisait disparaître toute cause de trouble immédiat dans notre région de l’ouest et permettait l’organisation de ces territoires. Dans cet ordre d’idées nous avions un double but à poursuivre, et c’est à faciliter notre tâche, à lui préparer une base solide, que visait la convention de Lalla Mar’nia. Nous devions faire reconnaître notre domination à de nouveaux sujets en même temps qu’assurer, par la tranquillité des Hauts-Plateaux, la sécurité de nos établissemens naissans du Tell. A ce point de vue le plan général du traité fut bien et largement compris. Dans le Tell, du côté du Maroc, il établissait une frontière qui séparait nos possessions des possessions de nos voisins, nous laissant toute latitude dans ces territoires nouveaux et nous préservant des coups de main tentés par les tribus marocaines ; vers le sud, il permettait d’asseoir notre influence sur un groupe de tribus, qui, venues à l’obéissance, formaient une sorte de rideau protecteur vis-à-vis du désert.

Malheureusement l’exécution de ce plan devait être imparfaite, et l’on peut même se demander s’il répondait à l’esprit des populations.