Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/831

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA RELIGION DE LA BEAUTÉ
ÉTUDE SUR JOHN RUSKIN

V[1]
SA PENSÉE


III. — SUR LA VIE

Nous touchons à ce qu’on a proclamé la grande folie de Ruskin, à ce qui, dans sa physionomie, paraît le plus étrange et, dans ses paroles, le plus déraisonnable : à sa haine du progrès moderne et à sa réforme de la société. Pourtant rien de plus explicable, ni, sa thèse esthétique étant admise, de plus nécessaire. Car il a établi que l’Art ne doit reproduire que de beaux corps et que des paysages beaux, c’est-à-dire inviolés. Mais si les hommes ni la Nature ne sont plus beaux?... Et qu’il ne peut être produit que par des artistes simples, modestes et dévoués. Mais si les artistes ne sont plus simples, ni modestes, ni dévoués?... Où sont les modèles pour de telles œuvres et surtout où sont les ouvriers? Où sont les corps qui incarnent la Beauté et où, les âmes qui se sacrifient pour elle? Où, les grandes idées communes, les solennités heureuses de la vie nationale qui fournissent des occasions d’œuvres

  1. Voyez la Revue du 1er décembre 1895, du 1er juin 1896, du 1er février et du 1er mars 1897.