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à exhausser d’un étage son immeuble; il l’élargit en même temps et le dota des corridors qui lui manquaient. Le travail une fois achevé — en matériaux excellens et avec goût — la demeure seigneuriale s’était transformée en une bâtisse quelconque, engoncée, vulgaire; simplement parce qu’elle avait grandi tandis que la cour s’étriquait. Presque tous les hôtels parisiens, magnifiquement édifiés depuis vingt-cinq ans, sont dans ce cas. Rien n’a été omis pour les embellir, rien... sinon le vide étendu, que l’importance de leur taille commandait aux alentours. Faute d’un emplacement convenable ils semblent ridicules, pompeux gauchement, dignes des quolibets railleurs que le public décerne à quelques-uns, par un sentiment inconscient mais juste de ce défaut de mesure.

Défaut irrémédiable pour les simples particuliers. L’Etat, la ville, peuvent, avec des budgets sans limites, déblayer les abords des monumens historiques pêle-mêlés dans Paris avec des bâtisses grossières qui en dérobaient l’aspect. Notre-Dame, la Tour Saint-Jacques ou le vieux Louvre se livrent ainsi à notre admiration plus librement que jadis, parures conservées d’un autre âge semblables à des curiosités apportées de loin. Les grands jardins au contraire, les belles surfaces nues appartenant aux simples citoyens, se rétrécissent et disparaissent parce qu’il est peu de gens assez riches pour les garder improductifs dans leur patrimoine. Les arbres banaux se sont multipliés dans les avenues et les pelouses banales dans les squares; tandis qu’il faut ici une jolie fortune pour posséder un arbre à soi tout seul. Le temps qui, dans cette capitale, mère d’empires expirés, a changé lentement la structure des choses, enlèvera aux générations nouvelles le regret et la notion même des biens de cette sorte, comme il a fait oublier les prairies de la rue Bonaparte ou les vignes de la place de l’Opéra.


Vte G. d’AVENEL.