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à la nécessité de contenir, sous peine d’amende, dans des limites étroites, les débordemens de leurs balcons, de leurs appuis, de leurs corniches, de leurs bandeaux. Ils ajoutent que, s’ils avaient les coudées plus franches, ils ne manqueraient pas d’exécuter les projets dont ils ont la tête pleine et de mettre fin à cette monstrueuse uniformité qui les afflige.

À ces plaintes les partisans du statu quo répondent que l’alignement n’a rien d’obligatoire, que rien n’empêche un propriétaire de mouvementer sa façade, d’en pétrir le relief à sa guise et d’en faire sortir tous les encorbellemens, loges, bretèches ou culs-de-lampe qu’il lui plaît..., à la condition de bâtir en retrait. Il ne manque pas à Paris de constructions d’un caractère très individuel, original, voire baroque. Il y en a de fastueuses, il y en a de frivoles où l’ornementation est à outrance; on en voit de tous styles, de tout pays et en toutes les natures de matériaux. Hôtels renaissance, tourelles gothiques, châteaux Louis XIII, villas italiennes, pignons hollandais, maisons anglaises, façades byzantines, quelle est la figure d’habitation, la carcasse de logis, qui n’ait tenté les imaginations de cette cité cosmopolite et dont on ne rencontre, de-ci de-là, quelques spécimens dans les quartiers Monceau ou des Champs-Elysées? Il n’est pas jusqu’à la pagode chinoise qu’un négociant hardi n’ait copiée, comme un gîte idéal, pour y héberger sa vieillesse.

Les résultats, diversement heureux, de ces initiatives n’ont modifié en rien le type convenu de « l’immeuble de rapport » ; le relâchement des ordonnances de voirie n’y changera pas davantage. Ces immeubles sont des placemens et non des monumens; les propriétaires continueront, pour tirer de leur terrain sans en perdre un pouce tout le parti qu’il comporte, à se ranger exactement en bordure du trottoir, alignés comme des soldats au commandement de : Fixe ! — ce à quoi ils ne sont nullement tenus. — Ils persisteront à accumuler les étages aussi haut qu’il leur sera possible. S’ils renoncent, comme on vient de le dire, à rogner par trop sur la cour, c’est qu’ils ont remarqué que le revenu en souffrait ; et c’est aussi parce qu’ils ont reconnu que les appartemens se loueraient mieux, si les salles à manger étaient plus vastes, qu’ils ont adopté les vérandas avec enthousiasme. Il n’y a eu chez eux aucune préoccupation artistique, et personne ne saurait le leur reprocher.

Ils étaient tellement hideux au dehors, ces longs bocaux de