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qualité, à mettre une chambre et une antichambre devant leur chambre. » Mme de Rambouillet, pour ménager une suite de locaux en enfilade, renvoya l’escalier à un bout du bâtiment; elle voulut des fenêtres et des portes larges, hautes et placées vis-à-vis les unes des autres, ce dont personne jusque-là ne s’était avisé. L’admiration, dans le Paris mondain, fut générale; chacun voulut imiter la marquise, et la reine Marie envoya chez elle l’architecte du Luxembourg s’inspirer de ses idées.

On apprit alors à utiliser dans des entresols ou, comme on disait, des entre-ciels et entre-salles, une portion de la hauteur inutile hors des salons principaux. Mais le mot salon ne s’appliquait pas, comme aujourd’hui, à la pièce de réception, d’« assemblée ». Il signifiait la réunion même des visiteurs, qui se tenait n’importe où, suivant l’heure, plus particulièrement dans la chambre; non seulement chez les femmes dont les alcôves sont à la mode, mais chez les personnages de la première distinction, et en leur absence. Le parlement en corps attend dans la chambre du roi, à la ruelle de son lit, le moment d’être introduit auprès de Sa Majesté. Cette « chambre à coucher » n’avait pas elle-même une affectation stable. On tendait et l’on détendait un lit et une tapisserie, dans les hôtels comme dans les châteaux, en raison des convenances du moment; vestige des temps antérieurs où les meubles voyageaient avec leur propriétaire. Et c’est parce que Louis XIII, surpris à Paris par un gros orage, en allant de Versailles à Saint-Maur, n’avait pas de chambre tendue au Louvre, qu’il alla coucher en 1637 chez la Reine. La France doit à ce cas fortuit la naissance de Louis XIV.

L’antichambre n’était pas l’emplacement banal et sacrifié que l’on traversait il y vingt ans sans s’y arrêter. Elle représentait ce que nous nommerions un salon d’attente, où l’on s’asseyait pour causer; « faire antichambre » n’avait nullement le sens blessant qui s’attache maintenant à ce terme. Ce que nous nommons salle à manger n’existait pas ; aucune pièce n’était affectée exclusivement aux repas. Pour un petit nombre de convives l’on apportait toute servie, dans la chambre, la table qui, pour les dîners de vingt ou trente « serviettes », se dressait pompeusement dans la salle.

Des améliorations progressives, apportées au siècle dernier à la distribution intérieure, seules les constructions aristocratiques profitaient. Les architectes se trouvaient à leur aise, dans les