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procéder, de faire entendre cet avertissement préalable : « gare l’eau », formule encore usitée au XVIIIe siècle en Bourgogne. « Aix, conte un voyageur sous Louis XIII, a seulement ce défaut-ci, que, l’usage des fosses n’y étant point reçu, il faut aller faire ses affaires sur les toits des maisons ; ce qui empeste fort les logis et même toute la ville, principalement lorsqu’il pleut, l’eau entraînant toute cette ordure. De sorte qu’il fait fort mauvais cheminer en ces temps-là; aussi dit-on qu’à Aix il pleut m... comme à Marseille et à Arles. »

Dans la capitale on ne montait pas sur les toits, mais nous savons que jusqu’à la Révolution le public usait, pour toutes ses nécessités, de l’allée d’accès des maisons à portes bâtardes. « Cette coutume, remarque Mercier sous le Directoire, est fort sale, fort embarrassante pour les femmes. » Ce « tout à l’égout » rudimentaire disparut à Paris lorsque la municipalité, qui, de vieille date, priait les habitans de « faire leurs aisances de nature » ailleurs que sur les voies publiques, et recommandait aux propriétaires « d’avoir des privés et chambres aisées en leur maison, afin que, à défaut de ce, les rues ne fussent empuanties », fut parvenue à rendre les fosses obligatoires[1].

Chacun les établit à sa guise le plus sommairement du monde et, jusqu’au premier Empire, ce furent de simples trous creusés dans le sol, laissant par conséquent les matières fécales en décomposition s’infiltrer à même les terres environnantes et contaminer l’eau des puits contigus, avec laquelle les boulangers pétrissaient leur pâte. Elle communiquait, paraît-il, au pain urbain une saveur si particulière, que les personnes riches faisaient venir le leur de la campagne, de Gonesse ou de Corbeil. Un décret impérial de 1809 réglementa le mode de construction des fosses; il prescrivit l’étanchéité des maçonneries ; seulement il est plus facile de changer la carte de l’Europe que de redresser un errement vicieux. L’ordonnance de 1853 dut renouveler la défense formelle d’employer à cette fin les puisards, égouts, aqueducs ou carrières abandonnées ; elle indiqua les matériaux et la nature du mortier dont chacun fut obligé de se servir; la dimension de ces caveaux en hauteur et en largeur.

Dimensions fort restreintes, quoique les récipiens missent au moins un an à se remplir. Mais les cabinets dits « à l’anglaise »

  1. Voyez notre histoire de Richelieu et la Monarchie absolue, t. IV, p. 316.