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offrant quelque ressemblance avec la trompette classique. C’est ridée du vaporisateur de parfums transportée dans l’industrie.

Et tandis que le pinceau à air menace les outils existans, les vieilles brosses qui ne serviraient plus qu’aux retouches du détail, l’huile de lin et la térébenthine, principales substances de la peinture actuelle, sont déjà délaissées en maintes circonstances pour les vernis à base de goudron, plus économiques d’un quart, inaltérables à l’humidité, supportant des lessivages indéfinis, mérite rare qui leur a valu l’accueil empressé des établissemens publics.

Outre cet émaillage commun, inventé d’hier comme tous les dérivés de la houille et destiné surtout aux pièces de service des habitations, il vient d’en être découvert, ou mieux retrouvé un autre, renouvelé des Grecs : l’ « émaillage athénien », sur qui le soleil et la pluie n’auraient aucune prise, et qui conviendrait parla même aux parties extérieures des édifices. Ce procédé, dit « à l’encaustique », était depuis longtemps oublié et le mot, dénaturé par l’usage, n’éveille plus d’autre idée que celle à un mélange de cire et d’essence, servant à faire reluire les parquets. C’est dans son sens étymologique de « peinture à l’aide de la chaleur » que les anciens entendaient ce nom. La cire fondue, additionnée de résine et incorporée toute chaude à la couleur, donnait aux portraits, aux décorations murales que l’on exécutait ainsi une longévité inouïe.

La femme objet d’un caprice passager est traitée par Plutarque de « peinture à l’eau », en opposition avec celle pour qui l’on éprouve un amour indestructible, qu’il qualifie par un délicat hommage de « peinture à l’encaustique ». Cette dernière, appliquée sur des portiques à Athènes, subsista neuf siècles en plein air. Zeuxis et Apelles peignaient à l’encaustique ; avant eux les Égyptiens, les Romains ensuite, connurent cette méthode dont Pline nous a entretenu et qui fut en honneur dans les catacombes de Syracuse. Tombée plus tard en désuétude, malgré des efforts tentés à diverses reprises pour en restituer la recette, elle a reparu au jour l’an dernier dans un congrès d’architectes réunis à l’Ecole des Beaux-Arts. Si les vertus solides de cette peinture au feu bravent, ainsi qu’on l’affirme, la rigueur de nos climats, les façades pourront se couvrir d’ornemens polychromes, voire de scènes historiques ou de paysages, au gré des propriétaires parisiens qu’attristerait la pierre en sa majesté nue.