Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/800

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

regard. Des architectes hardis, de ceux qu’à l’École on nomme des « rageurs », se flattent de le substituer entièrement à la pierre en adoptant le « ciment armé », c’est-à-dire des poutres de fer empâtées de béton, liées entre elles et dont la résistance serait calculée en vue des charges qui leur incomberaient.

Ces constructions, moulurées et ornées comme les immeubles actuels, ne seraient pas seulement plus économiques: elles offriraient aussi, au dire de leurs partisans, l’avantage de posséder à l’intérieur une température presque uniforme, malgré les variations atmosphériques. Les murailles de maçonnerie pleine seraient remplacées par deux minces enveloppes en briques ou en ciment, distantes l’une de l’autre de 15 centimètres et communiquant avec les caves, dont la chaleur moyenne, hiver comme été, se maintient aux environs de 13 degrés centigrades. Ce matelas d’air en vase clos, par qui les habitans seraient capitonnés, les réchaufferait dans la saison froide, les rafraîchirait dans la saison chaude, et amortirait pour eux les bruits du dehors. La maison ne respirerait plus par les fenêtres, mais par les murs.

En attendant la réalisation de ces projets, que je me borne à exposer sans garantir leur efficacité pratique, le fer joue son principal rôle dans les planchers. Tout le monde connaît ces barres, dites assez improprement à T, puisque leur profil est celui d’un I majuscule, qui ont remplacé à Paris les solives de bois employées encore à la campagne. Elles arrivent au chantier toutes prêtes et de tailles diverses; la force de leur « âme », que la longueur diminue, que la hauteur entre les « ailes » augmente, est prévue de façon à porter, dans les magasins du rez-de-chaussée, 600 à 700 kilos par mètre superficiel et 4 à 500 kilos dans les étages supérieurs, suivant que les pièces serviront de chambres ou de salons. L’acier, préféré au fer depuis qu’il coûte le même prix, permet de réduire la dimension des barres : elles ont en acier, avec 16 centimètres de haut, la même énergie qu’avec 18 centimètres, en fer. Cette différence si légère, répétée à chaque étage, économise environ 14 centimètres de maçonnerie au propriétaire, une marche de moins à monter pour le locataire du cinquième.

De longues « chaînes » — bandes transversales — enserrent les solives de place en place, les encastrent et les empêchent de déverser à droite ou à gauche; un chaînage plus épais, nerf de fer qui relie et bride tout l’édifice, se loge à chaque plancher dans une