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et qui causent, mangent ou dorment, emplissent ce vestibule, pareil ainsi à la salle d’attente de quelque gare. Un seuil encore et l’on entre dans l’ombre ; une série de voûtes basses, sombrement peintes, s’engendrent les unes les autres et ne débouchent nulle part ; quelque jour venu de l’iconostase glisse obliquement par un défilé de cette architecture. De grandes enveloppes métalliques, dont la surface bosselée ne découvre que les visages et les mains des saints personnages, reflètent et diffusent la fauve lueur des lampes. De rudes statures, des figures hirsutes apparaissent un instant dans ces régions lumineuses, puis s’effacent. Mêlant leur lent va-et-vient à la triste immobilité des fresques, ces péripatéticiens de la foi cherchent sous les portiques l’endroit favorable à leur prière.

— Est-ce ici, dis, le cercueil du saint ? demande, bouche bée, un jeune garçon.

Veut-il parler d’Iaroslav le sage ? de saint Macarie ? Il se nomme au moine assis dans le petit comptoir et paye pour être inscrit juste à cet endroit. À côté, un vieux petit pope bossu confesse, en cachant sous son épitrachyle la tête du pénitent ; cette affaire ne traîne point en longueur, et c’est une figure si douce, si moutonnière qui sort de là-dessous, qu’en effet comment lui aurait-on fait attendre l’absolution ?

Un gros marchand qui entre, en baissant le col de sa pelisse, donne un baiser à saint Nicolas, puis place son cierge sur la grille ; car toute âme qui passe ici laisse quelque part une flamme au bout d’un bâtonnet de cire. On songe à cette imagination d’un conteur allemand, à la vision fantastique d’une chambre fatale où brûlent des bougies d’inégale hauteur ; chacune mesure une vie humaine qui se consume.

Un escalier tournant, aux marches de fonte, conduit à l’étage ; la cage est peinte de sujets profanes, animaux, monstres, cavaliers, chasseurs, belluaires, car partout l’appareil de brique réclame sur l’enduit qui le recouvre l’ornement de la fresque. C’est ainsi la rareté de la pierre qui justifie ici l’abondance des images ; cette cause physique a eu son influence sur la coutume religieuse et même sur la foi.

Da haut de la tribune, le plan si simple de la basilique, noyé tantôt sous toutes ces circonvolutions latérales, apparaît avec évidence. La coupole principale recouvre le-croisement des nefs ; d’autres, plus petites, donnent jour sur les galeries qui flanquent