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les intrigues, à toutes les coalitions. L’importance relative des divers partis n’y correspondait pas à celle qu’ils avaient réellement dans le pays. Des élections générales étaient donc nécessaires. Elles ont eu lieu; elles ont donné au gouvernement actuel une majorité écrasante; elles ont achevé la déroute de M. Crispi. C’est à peine si 75 des siens sont entrés dans la nouvelle Chambre, où les champions du gouvernement sont au nombre de 320. Il faut compter, en outre, 17 radicaux et 18 socialistes : ces derniers ont fait un progrès sensible. Restent 63 ballottages, dont nous ne connaissons pas encore complètement les résultats, mais qui ne changeront pas la force proportionnelle des partis. La victoire du gouvernement est si grande que les esprits chagrins, ou peut-être seulement prévoyans, regrettent qu’elle le soit à ce degré. Le concours des amis de M. Giolitti et de M. Zanardelli était d’autant plus assuré qu’ils avaient un adversaire commun avec le gouvernement, et que cet adversaire était encore à craindre. Il ne l’est plus désormais et, un jour ou l’autre, la liberté de M. Zanardelli et de M. Giolitti s’en trouvera accrue. Quant à M. Cavallotti, le groupe radical qu’il dirige n’a, on le sait, rien d’intransigeant, et lui-même a laissé deviner quelquefois des qualités d’homme de gouvernement. En somme, toutes les difficultés ne sont pas supprimées pour l’avenir; mais le ministère Rudini-Visconti-Venosta sort fortifié de l’épreuve électorale, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

En Autriche, on ne peut pas présenter la situation sous un jour aussi simple. Sans doute, M. le comte Badeni trouvera dans la nouvelle Chambre les élémens d’une majorité, et peut-être même de plusieurs ; il pourra, suivant les circonstances, et si l’une d’elles est trop exigeante, en changer et en employer une autre ; mais quant à l’homogénéité, Il devra s’en passer. Il y a d’ailleurs longtemps qu’on s’en passe en Autriche. L’intérêt principal des élections était dans la première application de la récente loi électorale, qui avait fait sa part — oh ! bien modeste — au suffrage universel. Les électeurs sont partagés en curies ; il y en avait quatre ; la nouvelle loi en a créé une cinquième, celle du suffrage universel, qui porte un nom imposant et peut-être redoutable, mais qui, pour le moment, n’élit que 72 députés sur 425. C’est probablement aux électeurs de la cinquième curie qu’il faut attribuer le succès de 14 socialistes. Les socialistes sont en progrès en Autriche, comme en Italie. Réduits à leurs seules forces. ils ne pourraient pourtant rien dans la Chambre autrichienne, car, d’après le règlement, il faut vingt députés pour déposer une proposition et pour constituer par conséquent un groupe actif; mais ils ont des alliés déjà