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active aux mesures de coercition les plus rigoureuses. Si on l’avait écouté et si on avait agi tout de suite comme il le conseillait, le colonel Vassos n’aurait pas pu débarquer en Crète, puisqu’il n’aurait même pas pu quitter la Grèce, et on se serait épargné ce qui est devenu le plus grand de nos embarras. Un temps précieux a été perdu, d’autant plus précieux que l’empereur Guillaume l’a employé à changer d’avis, ou au moins d’attitude. Peut-être trouve-t-il que ce qu’on fait aujourd’hui, trop tard et maladroitement, ne servira pas à grand’chose, et est-ce pour ce motif qu’il s’abstient d’y participer ? Quoi qu’il en soit, il s’en abstient. Sans doute, il a envoyé un vaisseau en Crète, et ce vaisseau s’est même signalé dès le jour de son arrivée en tirant des coups de canon sur les insurgés. C’est lui qui a ouvert le feu, et il n’a pas ménagé sa poudre. Il a fait un bruit d’enfer pour bien montrer qu’il était là. Mais depuis il n’a plus fait grand’chose. Au reste, dans une escadre où toutes les autres nations sont représentées par plusieurs navires, l’Allemagne n’en a qu’un, et on ne voit pas très bien comment, si les événemens viennent à se compliquer, ce navire unique pourrait bloquer à la fois la Crète et la Grèce, ce qui, au premier moment, ne répugnait à coup sûr pas à l’empereur Guillaume. Chose plus grave, il n’a pas envoyé un seul soldat à la Canée. D’après les déclarations de M. Hanotaux, toutes les puissances avaient promis cinq ou six cents hommes. Les nôtres, malgré l’accident de l’affrété l’Auvergne, sont arrivés les premiers ; ceux de l’Allemagne ne sont pas arrivés du tout, et finalement on a renoncé à les attendre. Mais leur absence ne passe pas inaperçue. Il y a là, incontestablement, une lacune fâcheuse. Si nous avions pris la même licence que l’empereur Guillaume, on n’aurait pas manqué de dire que nous rompions le concert européen : d’où vient que lui ne le rompt pas ? En somme, son attitude se rapproche de celle que nous avons eue en 1886, sans qu’on puisse l’attribuer aux mêmes motifs, c’est-à-dire à une sympathie particulièrement vive pour la Grèce. Personne ne le soupçonne d’un pareil sentiment. Néanmoins, il se tient un peu à l’écart des autres puissances, il attend, il regarde. Il regarde, par exemple, la manière dont les troupes turques ont été concentrées sur la frontière de Macédoine, et ce spectacle ne parait pas lui déplaire, ce qui est d’autant plus naturel que la mobilisation de l’armée ottomane a été faite par des instructeurs allemands et qu’elle a été très bien faite. Au bout des quelques jours réglementaires, l’opération était terminée. On dit à la vérité que l’armée du sultan manque d’intendance, qu’elle est mal habillée, mal chaussée, mal nourrie, mais c’est peut-être aujourd’hui