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présent, il n’y a pas eu de difficultés. L’Angleterre a participé très correctement au blocus de la Crète. Mais si le blocus de certains ports helléniques devient nécessaire, on n’était pas, Il y a quelques jours encore, aussi assuré de son concours. En Crète même, la politique de lord Salisbury n’a pas toujours eu la continuité et la fermeté désirables. Ses idées n’ont pas encore pris un caractère tout à fait précis au sujet du genre d’autonomie qui devrait être donnée à la grande île, ni du gouverneur qui serait mis à sa tête. Bien plus, c’est lui qui le premier a émis l’opinion que les troupes grecques devraient partir les premières, et les troupes ottomanes seulement les secondes ; on ne sait plus très bien s’il est toujours de cet avis ; on sait seulement que les troupes grecques ne sont point parties. Espérons que, dans l’entrevue récente qu’il a eue avec M. Hanotaux, lord Salisbury a abordé toutes ces questions, et qu’il s’est mis définitivement d’accord avec son interlocuteur sur les solutions à poursuivre et sur les moyens de les atteindre. Le fait même de cette entrevue est significatif. C’est la première fois que, venant en France et traversant Paris, un ministre anglais s’arrête pour faire une visite officielle à notre ministre des affaires étrangères. Il y a eu là une dérogation à ce qui commençait à devenir une tradition constante, et dès lors la démarche de lord Salisbury prend une importance particulière dont il est impossible de n’être pas frappé. Tout cela est précieux sans doute. Il faut reconnaître aussi que, dans son langage public, toutes les fois qu’il s’est par exemple adressé au parlement, lord Salisbury l’a fait dans les termes les meilleurs, et même les plus énergiques. Il y a mis une grande vigueur de ton. A l’entendre, l’accord n’est pas à faire, il est fait sur tous les points, et il se maintiendra. Pourquoi donc ces déclarations réitérées rencontrent-elles quand même un peu de scepticisme? Pourquoi s’attend-on toujours à du nouveau, à de l’imprévu de la part de l’Angleterre? Pourquoi ne sait-on pas très bien, et hésite-t-on à dire jusqu’où elle ira? Elle a dans la Méditerranée plus de vaisseaux qu’il n’en faut pour bloquer à elle toute seule la Crète et la Grèce. Elle a envoyé ses cinq ou six cents hommes à la Canée. Elle a rempli toutes les conditions de l’entente. Pourquoi doute-t-on encore ? Nous n’en savons rien, et nous voulons croire qu’on a tort.

Quant à l’Allemagne, sa politique est plus ouvertement de nature à déconcerter. A la nouvelle de l’immixtion de la Grèce dans les affaires de Crète, l’empereur Guillaume s’est livré à un premier mouvement extrêmement impétueux. Il a proposé tout de suite de bloquer tous les ports de la Grèce, et il paraissait prêt à prendre une part très