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des trois quarts. Elle n’avait plus, pour vivre, que la subvention de 6 000 francs que lui avait garantie le gouvernement. Encore cette subvention elle-même ne devait-elle point tarder à lui manquer : lorsque, en 1826, Acerbi se démit enfin de sa direction, le gouvernement autrichien se trouva lui devoir 36 890 d’arriérés.

C’est donc avec ses seules ressources personnelles que, de 1817 à 1826, celui qu’on a appelé « un vendeur vendu » a maintenu en vie la Biblioteca Italiana. Loin de l’aider, le gouvernement paraissait prendre plaisir à l’entraver à chaque pas : ce n’étaient que tracasseries mesquines, vetos de la censure, articles tronqués ou défigurés. On soutenait Acerbi, suivant l’expression de M. Luzio, « comme la corde soutient le pendu. » Et c’est dans ces conditions que cet homme, si injustement méconnu, est parvenu à faire de sa revue, pendant neuf ans, un organe d’une portée inappréciable au double point de vue de la littérature et de la politique italiennes !

Il n’y est parvenu, en vérité, qu’après s’être définitivement débarrassé de son comité de rédaction. C’est alors seulement qu’il a pu se mettre de tout son cœur à l’ouvrage, et tenter, suivant sa propre expression, de « créer un centre de communications littéraires pour toute la péninsule. » Délivré de Monti, de Giordani, et d’autres glorieux parasites, il s’est aussitôt occupé de chercher dans tous les coins de l’Italie de jeunes écrivains capables de lui prêter un concours actif, sérieux et désintéressé : ne se souciant, après cela, ni de leur origine, ni de leur condition, ni du parti auquel ils appartenaient.

Dans une prison de Milan il trouva, en mars 1817, un médecin de Plaisance, Rasori, détenu politique, qui s’offrit à renseigner les lecteurs de la Biblioteca Italiana sur le mouvement des sciences et sur les nouveautés des littératures étrangères : il eut en lui un collaborateur des plus précieux. Un autre de ses collaborateurs, Paride Zaiotto, était au contraire un zélé fonctionnaire du gouvernement autrichien. Originaire de Trente, il écrivait avec une égale facilité l’italien et l’allemand, et ne cachait pas sa parfaite indifférence pour les destinées de l’Italie. Mais c’était un écrivain vigoureux et mordant, l’un des plus adroits polémistes d’alors : et à défaut de passion politique, il haïssait passionnément le romantisme sous toutes ses formes. Neuf ans durant, il mena contre lui, dans la revue d’Acerbi, une campagne acharnée, au nom du vieux génie classique et des traditions latines : contribuant ainsi, sans qu’il s’en soit douté, à réveiller en Italie l’instinct national. À l’étranger, la revue s’était assuré des correspondans dévoués et sûrs : Pougens lui envoyait des chroniques parisiennes, Karl Witte, le com-