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l’abrogation pure et simple des lois de mai. Le comte Holnstein était néanmoins autorisé à s’étendre de nouveau avec Mgr Aloysi sur le désir qu’avait le prince de Bismarck de renouer avec le Saint-Siège les relations interrompues depuis 1872, et de rechercher, sans contracter du reste aucun engagement écrit, les bases d’un modus vivendi n’excluant pas le maintien de la législation prussienne. La seconde lettre du Pape avait eu pour effet de paralyser ces bonnes dispositions, puisqu’il paraissait bien évident que la chancellerie pontificate tenait toujours aux idées que personnifiaient au Reichstag M. Windthorst, M. de Schorlemer-Alst et les députés polonais.

Précisément, à cette époque, le roi et la reine de Saxe se préparaient à célébrer leurs noces d’argent ; des ouvertures furent faites au nonce de Munich pour l’engager à assister à ces fêtes. Au Vatican, on estima qu’il fallait ne pas laisser échapper cette occasion de marquer la déférence du chef suprême de l’Eglise pour une cour catholique. En même temps qu’il s’acquitterait de ce mandat, Mgr Aloysi pourrait présenter ses devoirs à l’empereur Guillaume ; c’est ce qu’il fit savoir au prince de Bismarck, et, aussitôt après, il reçut l’assurance que sa venue à Dresde serait considérée d’un œil favorable à Berlin. Cette communication parvint au nonce dans les premiers jours de juin, quelques heures avant que ne fût reçue à Munich la nouvelle de l’attentat perpétré contre Guillaume Ier par le docteur Nobiling.

Dès son arrivée à Dresde, Mgr Aloysi reçut par le ministre de Prusse, comte de Solms, connaissance d’une dépêche du prince de Bismarck l’engageant à poursuivre son voyage jusqu’à Berlin. Le chancelier ajoutait que ce qu’il avait appris de la modération et de « l’objectivité » de Mgr Aloysi lui semblait d’un bon augure pour l’apaisement du conflit religieux. Quoique fort touché de ces ouvertures aussi flatteuses que méritées, le nonce ne pouvait y donner suite : il fit remarquer au comte de Solms que les graves affaires du Congrès qui allait se réunir à Berlin pour régler la question d’Orient ne permettraient sans doute pas au prince de Bismarck de se consacrer à l’examen des questions, bien graves aussi, qui intéressaient l’Église catholique d’Allemagne. De ses échanges de vues avec le comte Holnstein, Mgr Aloysi avait gardé l’impression que le cabinet de Berlin ne désirait en réalité vaincre les difficultés nées du Culturkampf qu’au moyen d’arrangemens qui suffiraient peut-être pour calmer l’esprit des populations