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On peut soutenir en effet, si l’on se place à ce point de vue, qu’il n’y a pas plus d’inhumanité à exterminer une population sauvage par les moyens violens qu’à la décimer lentement par la faim et l’alcool. Or, c’est bien d’extermination qu’il s’agit pour les nègres d’Afrique. Le major Boshart, qui a servi sur le continent noir (nous sortons ici du roman pour rentrer dans la réalité), ne fait nulle difficulté d’en convenir dans une lettre adressée à une revue allemande[1], où il envisage la destruction de 100 millions d’hommes avec le même sang-froid que les Australiens celle des lapins trop prolifiques qui dévorent leurs récoltes. Son plaidoyer est fort bien tourné, du reste; on ne saurait mieux présenter les argumens de la « loi naturelle », substituée avec franchise aux faux semblans de loi chrétienne dont on a berné trop longtemps les philanthropes : « Quant à la façon, écrit-il, de traiter les nègres, ce qui est la seule question à considérer ici, voici à quel point de vue je vais me placer pour m’expliquer à ce sujet : nous n’allons pas en Afrique pour faire des grimaces philanthropiques; nous y allons uniquement pour créer de nouveaux débouchés à notre commerce et à notre industrie. »

Cela étant, il s’agit de considérer ce que nos trafiquans trouvent en face d’eux dans ces marchés neufs, quelle nature de clientèle, inoffensive ou dangereuse, bienveillante ou hostile. Le major Boshart estime que la preuve est faite à cet égard, et qu’il n’y a rien de bon à espérer, ni dans le présent, ni dans l’avenir, d’une race qui s’est toujours montrée réfractaire, depuis la plus haute antiquité, à toutes les civilisations successives : « — Ceux, dit-il, qui parlent de traiter le noir comme un grand enfant, ne connaissent que le nègre de la côte, devenu craintif et poltron, depuis tant de siècles qu’il est traqué par les chasseurs d’esclaves... Dans l’intérieur de l’Afrique, où il se croit le plus fort, le nègre est arrogant, cupide, cruel, sournois et impatient...

« Le nègre est un carnassier, féroce et sanguinaire, qui ne peut être tenu en respect que par l’œil et le fouet du dompteur. On n’a jamais rien obtenu de lui, nulle part, en lui distribuant des Bibles et de bonnes paroles.

« Si l’on voulait astreindre les noirs au travail, il ne fallait pas

  1. Neue Deutsche Rundschau, janvier 1897. Cette lettre fait partie d’une enquête instituée par l’un des collaborateurs de la Revue, M. Franz Giesebrecht, auprès des hommes compétens, sur la manière dont les nègres sont traités dans les colonies allemandes et devraient être traités à l’avenir.