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de la Révolution française. Treitschke le reconnaît indirectement lorsqu’il relève chez le chancelier le mélange des doctrines radicales et des tendances autoritaires qui le rapprochent du jacobinisme[1], et c’est peut-être dans cette définition qu’il faut chercher le secret des hostilités allemandes à l’égard de Hardenberg.

Stein, le représentant du droit historique, n’eût rien fait et n’a rien fait de comparable à l’acte révolutionnaire qu’était malgré tout l’édit du 14 septembre 1811. Il n’est cependant pas sans intérêt, pour l’histoire de son esprit, de noter comment il s’est comporté, au regard de l’œuvre de Hardenberg.

Son exil, en ces temps de trouble profond, l’éloignait fort du centre des affaires. Toutefois lorsque ses amis, ou lorsque Schleiermacher et Gneisenau lui faisaient parvenir leurs diatribes personnelles contre le chancelier, il persistait encore, même durant tout le cours de l’année 1811, à voir en Hardenberg l’ennemi actif du vieux parti féodal et la réserve de la politique nationale. De sa rude écriture, Stein ramenait les dissidens à une conception plus élevée de la politique prussienne, de la politique européenne, à une vue plus large où devaient s’effacer les griefs personnels et les querelles de détail.

Plus tard, toutefois, il a refusé d’associer sa responsabilité aux mesures agraires de Hardenberg et à l’édit de septembre, et l’on trouve dans les jugemens qu’il a portés sur la question elle-même des fluctuations assez singulières.

En 1801[2], à une époque tranquille, Stein, envisageant et condamnant l’état social de la population rurale, ne voit le salut que dans la concession de la propriété au petit tenancier.

En 1808[3] encore, dans son testament politique qui est, il est vrai, l’œuvre de Schön, mais auquel il a donné sa signature, il proclame la nécessité d’une transformation du droit de propriété, qu’il n’a pu, durant ses quelques mois de dictature, réaliser.

Mais, appréciant plus tard, dans sa biographie, l’œuvre de Hardenberg, il en dégage sa responsabilité explicitement. Il blâme l’édit de septembre d’avoir bouleversé et rompu, dans son action

  1. Treitschke, ibid., p. 381.
  2. Pertz, Stein’s Leben, I, p. 202. — Preussische Jahrbücher, XXXVII. — Gneist, Die Denkschriften des Freiherrn vom Stein. p. 263.
  3. Voir Formation de la Prusse contemporaine, p. 482.