Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/653

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il prit d’ailleurs toutes précautions pour que cette représentation nationale ne pût devenir ni plus menaçante ni plus inquiétante que la première. Il eut soin de laisser dans le vague ses attributions, et de ne lui accorder, en dehors du règlement des dettes provinciales, aucun pouvoir, aucune compétence précise.

On chercha, cette fois encore, une première garantie dans le petit nombre des membres de l’Assemblée. Chaque province devait désigner quatre délégués : deux pour représenter les possesseurs de biens nobles, deux pour représenter les habitans des villes et du « pays plat ». C’était en tout trente-neuf personnes, une représentation moins nombreuse encore que celle qui avait formé la première Assemblée des notables. Les élections furent faites au scrutin indirect, à deux degrés. Les possesseurs de biens nobles élurent dix-huit représentans; les paysans propriétaires, fort peu nombreux, d’ailleurs, à cette époque où ils constituaient une sorte d’aristocratie rurale assez clairsemée, déléguèrent huit représentans ; les propriétaires urbains élurent huit délégués et trois grandes villes chacune un[1]. Il est à noter que l’un au moins des députés de l’ordre des paysans appartenait à la caste privilégiée. Le comte de Dohna-Wundlacken représentait les paysans de la Prusse orientale et ces petits propriétaires libres qu’on appelait les Köllmer.

Hardenberg n’avait pas cherché seulement en France le modèle d’une administration centralisée, et ses notions démocratiques sur la constitution de la petite propriété rurale. Il avait emprunté au régime napoléonien une conception plutôt étriquée du système représentatif. Nous avons vu quelle admiration lui inspirait le Moniteur officiel du royaume de Westphalie. Il conseilla de même à ses fonctionnaires de prendre toutes les mesures nécessaires pour que, à l’occasion des élections, il ne pût s’organiser aucune opposition contre les mesures du gouvernement, et, comme les représentans des possesseurs de biens nobles silésiens avaient demandé à se tenir en contact avec leurs mandans, et à se renseigner sur leurs vœux et sur leurs besoins, on leur répondit vertement qu’ils devaient savoir par eux-mêmes ce qu’ils avaient à faire sans avoir besoin de consulter personne.

Il semble donc qu’il y eût une pointe de naïveté et beaucoup d’inexpérience politique dans les manifestations du tiers-état

  1. A. Stern, op. cit., p. 173.