Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/590

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

juste, peut et doit être embrassée par lui et absorbée en lui pour s’y purifier et s’y fortifier; et tout fait, aussi, tout fait considérable, doit être accepté par lui pour recevoir de lui sa véritable signification, son juste caractère, et sa portée légitime et salutaire.

Or le catholicisme, non seulement s’est immobilisé, mais s’est isolé. Il n’a pas voulu faire attention à ce que les hommes pensaient autour de lui. Il y a eu un mouvement intellectuel et un mouvement social dont il ne s’est préoccupé que pour les craindre et nullement pour les comprendre. Ce mouvement intellectuel, c’est le progrès scientifique; ce mouvement social, c’est l’avènement de la démocratie. Le progrès scientifique a paru contraire aux doctrines chrétiennes, le catholicisme l’a regardé de mauvais œil et s’en est tenu là. Qu’est-il arrivé? Une chose assez curieuse; c’est que l’instinct de crédulité qui est dans l’homme s’est trans- porté, pour ainsi parler, de la religion à la science : « À cette époque où l’on cherche le dogme dans la science, la foule reçoit aveuglément, sans aucun examen, des décisions, et le nom seul de savant lui inspire une révérence superstitieuse. » Il suffisait donc que le prêtre fût savant, au courant de la science au moins, pour qu’il retînt à lui cette crédulité qui lui échappe et dont le savant va profiter. C’est à quoi il n’a pas du tout songé.

Il n’a pas ouvert les yeux davantage sur le mouvement démocratique qui s’est produit. Il n’y croit pas. En 1830, il ne voit pas que la France est en République. Lamennais le voit, et, en cela, a parfaitement raison. On est en République en 1830 parce que le gouvernement n’a pas de droit en lui-même, et n’emprunte son droit d’un jour qu’au consentement populaire plus ou moins nettement exprimé ; on est en république et l’on tend à une république purement démocratique. — Le rôle de l’Eglise en présence de ce fait considérable? Le même qui a toujours été le sien en présence des grands événemens historiques : le connaître, d’abord, et avant les autres, gouverner étant prévoir; et puis l’accepter; et puis le diriger. Le catholicisme devra donc désormais être scientifique, libéral, démocratique. L’union de la science et de la foi, la revendication pour lui et pour tous des libertés essentielles, l’union de l’Église et du peuple, voilà le catholicisme du XIXe siècle. — Ce n’est pas un « nouveau christianisme », comme quelques-uns disent, ce n’est pas même un christianisme évolutif. C’est le christianisme tel qu’il a toujours été, expliquant aux hommes ce qu’ils pensent et le leur rendant plus précis et entouré,