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rarement qu’il ne s’exalte pas. — Il est amusant, ou il est triste, selon l’humeur dont on est, de voir un homme raconter ainsi avec horreur une histoire qui tout à l’heure sera la sienne.

Le gallicanisme n’est pas très différent du protestantisme. Il est une sécession, aussi; il est un catholicisme national, horrible contresens dans les termes, car cela veut dire un universel particulier. Le caractère même, précisément sacré, du catholicisme, et sa vertu la plus précieuse, le fait d’être universel, international, lien entre les nations, gouvernement spirituel planant au-dessus des gouvernemens temporels et ne connaissant pas de frontières, c’est ce que le gallicanisme efface et c’est ce qu’il exténue. Œuvre indirecte du protestantisme. Le protestantisme, forcé pour lutter contre Rome de s’appuyer sur les gouvernemens locaux, a forcé les églises catholiques à s’appuyer sur les gouvernemens locaux pour lutter contre lui. Il les a obligées, en les combattant, à lui ressembler. Depuis lui, voici qu’en France, par exemple, une Église obéit au gouvernement politique, est dirigée par lui, conseillée, blâmée, censurée, approuvée quelquefois, protégée et comprimée toujours par lui. Il y a une Église du roi de France. L’Église est quelque part gouvernée par son fils aîné. Un gallican est un catholique qui est plein de condescendance pour le pape et d’obéissance pour le roi de France. On cherche à arranger cela dans la pratique, à marquer les limites d’une autorité et d’une autre. Au fond, et surtout depuis la Révolution et la perte des biens ecclésiastiques, l’Église est serve de qui la paie, et ne peut qu’échapper partiellement à ce servage; le secouer, jamais.

Il en résulte des effets divers, tous désastreux. D’abord le noble caractère de l’Église est dégradé. On ne la sent pas supérieure comme elle devrait l’être au gouvernement temporel ; elle semble au moins, ce qui est blasphématoire, inspirée de lui; le gouvernement s’habitue à considérer les prêtres comme étant au nombre de ses « fonctionnaires », il dira bientôt de ses agens; il les tiendra bientôt pour des professeurs de la morale qu’il jugera la bonne ; l’Église de France sera bientôt, elle est déjà presque, une université de France chargée particulièrement de l’enseignement moral, primaire, secondaire et supérieur.

Ensuite la doctrine même est entamée, ou peut l’être. La doctrine catholique s’étend à toutes choses, puisque la religion est une explication générale des choses. Telle conséquence, telle application des principes généraux du catholicisme peut être contraire